Aux grandes heures de l'individualisme,
A l'amère apogée d'une ère d'égoïsme,
Alors que la Terre cède à l'immoralisme,
Il devient délicat de dénicher l'altruisme.
Pour autant, on a tous, ou presque, dans le cœur,
Un ou plusieurs compagnons pour chanter en chœur
L'éclat de nos succès, l'ombre de nos rancœurs,
Nous soulageant finement de nos haut-le-cœur.
Et c'est le port altier qu'on tisse son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers.
Ô, certes, il en est toujours pour vous trahir,
Qui venaient, aux beaux jours, souvent vous envahir
Qui n'ont pas manqué de soudain vous ébahir
En vous lâchant à ceux qu'ils savaient vous haïr ...
C'est le lot de chacun, quand le malheur s'annonce,
Qu'une vieille branche vous jette dans les ronces.
La nature humaine est parfois des plus absconses
Et sa déloyauté communément s'énonce.
Mais c'est le port altier qu'on tisse son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers.
Chevaliers, le saint Graal ne peut se conquérir
En faisant, en chemin, ses concurrents périr !
Il se cueille, gracieusement, sans coup férir,
En s'attelant à loyalement le chérir.
C'est bien des déceptions, alors, qui vous attendent,
Tant l'humain est prompt à oublier vos offrandes,
Mais les rares fois où tombent les dividendes
Vous forgeront des fraternités de légende.
Ô, c'est le port altier qu'on tisse son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers.
La main tendue sera toujours secourable,
La tape dans le dos proprement aimable.
La force du lien le rend indispensable
Et peut nous rendre parfois déraisonnable.
Alors, on en devient l'avocat du diable :
On corroborera les mots discutables,
On justifiera jusqu'à l'indéfendable,
On pardonnera même l'impardonnable.
C'est le port altier qu'on veut tisser son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers !
Quand la détresse nous prend, nous navre et nous blesse,
Ou quand de trop près la solitude nous presse,
Qu'il est doux de pouvoir compter sur la richesse,
Emotionnelle, d'un ami qui vous redresse.
Quand le démon nous tient, nous habite et s'exprime,
Quand on est pour ses crimes bien trop magnanime,
Qu'il est bon d'avoir un intime qui s'escrime
Pour vous rappeler aux devoirs de son estime.
Car c'est le port altier qu'on tisse son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers.
Quand elle est sincère, on trouve en son compère
La force d'affronter tous les défis sur Terre ;
Quand on plie le genou, quand on mord la poussière,
Lui seul vous soulage, en preux paratonnerre.
S'il vous faut à tout prix dénoncer ses limites,
Sachez que c'est en vous qu'on les retrouve inscrites :
Car si l'absolu se trouve n'être qu'un mythe,
C'est souvent qu'il en est bien peu qui le méritent.
Or c'est le port altier qu'on tisse son métier
Quand on a l'amitié pour fleurir nos sentiers.
Qu'importent, après tout, les dangers du métier :
A rien ne sert, en fait, de les vivre à moitié,
Car le bonheur ne prendra chez toi ses quartiers
Si, de-ci de-là , tu ne sèmes l'amitié ...
Il s'en trouvera pour la prendre volontiers
Et qui s'en montreront les dignes héritiers ;
Le chemin de ta vie deviendra le sentier
D'une communion aux parfums primesautiers.