John tentait de contenir une crise de bâillements irrépressibles tandis que Jane BREAD, sa doctoresse rédigeait son ordonnance. Une irritation oculaire qui n’était que la conséquence logique de son manque de sommeil l’agaçait quelque peu et l’empêchait de la considérer tranquillement.

Jane était soucieuse. Elle secoua la tête en signe d’incompréhension, puis ajouta un peu désespérée : « vous pourriez vous faire de la tisane, il en existe de bonnes en pharmacie à base de mélisse, tilleul, passiflore ou d’aubépine…Rien que des produits naturels très compatibles avec votre traitement. Essayez, nous en reparlerons la prochaine fois. ».

Jane n’était pas ce qu’on appelle généralement une beauté, mais en tous cas quelque chose rayonnait sur son visage qui n’avait rien de rapprochant avec ces masques stéréotypés qui vous fichent le bourdon. John lui prêtait des sentiments à son égard qui dépassaient la simple compassion d’une démarche médicale rémunérée. Et pourquoi avait-il choisi un praticien femme ? Le hasard. Certes. Le fait est qu’il s’était adressé à elle…A cause de…ou malgré cela. Il pensait encore qu’une femme, à compétences égales, donnant la vie, tendre et nourricière était, pour le moins aussi bien placée qu’un homme pour dispenser cette compassion.

Le Docteur Jane BREAD lui tendit son ordonnance en se fendant d’un large sourire et le raccompagna à la sortie. Quand elle lui serra la main, il réprima l’idée de l’embrasser comme si elle eût été sa grande sœur, sa mère, ou même…Non, surtout pas. Il dit simplement : « A bientôt docteur. ».

John descendit l’escalier menant au rez -de- chaussée en se tenant au mur. Il se sentait faible et il fut tenté de marquer une pause, de s’asseoir là, au beau milieu, sur une des marches, mais il n’en fit rien. Question de courage ou d’orgueil depuis qu’il s’était convaincu de défier le temps. Il quittait le hall d’entrée en titubant alors qu’une de ces femmes stéréotypées, une « couguar » masquée qu’il déteste généralement, traversa l’avenue. Etait-ce la conséquence de son extrême faiblesse, à sa vue John ressentit un désir violent, une réaction de survie. Le vertige fut intense et il chuta sur le trottoir.

John ouvrant les yeux vit des personnes s’affairaient autour de lui comme dans un film muet. Puis les sons lui parvinrent progressivement. Durant quelques secondes il lui sembla qu’il sortait d’un univers étrange, juste avant la réalité : « Le SAMU devrait arriver, vous l’avez prévenu, n’est-ce pas ? Non, mais alors qu’attendez-vous…Prenez mon portable…Mais il revient à lui, ce n’est peut-être pas si grave…Peut-être, mais il doit être examiné par un médecin, c’est un minimum.».
John retrouvant totalement ses esprits se redressa : « Merci, ça, ça va. Ce n’est rien, j’appelle une amie. ».
Il saisit son portable et il appela Monique.

Pierre Wattebled

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