Chaque matin,
Après son train,
Elle vient prendre là son café quotidien,
Et choisit toujours la table dans le coin.
Près de la grande baie vitrée,
Elle veut voir les passants passer,
Dans cette rue de bonne heure animée.
Elle ne demande jamais rien,
Le garçon la voit et il vient,
Tenant une tasse Ă la main :
« Bonjour, voilà c’est prêt,
Votre petit café au lait… »
Il lui sourit et puis plus rien.
Souvent elle sort son crayon,
Et le carnet de son sac trop profond.
Elle pose sur la feuille les sons
Qu’au comptoir les hommes font,
Boutonnés dans leurs longs vestons,
Lorsqu’ils tournent en rond,
Leur breuvage si chaud marron….
Elle regarde par la fenĂŞtre,
Dans cette aube en train de renaître,
Pans de ciel qui les maisons pénètrent…
L’étal coloré du fruitier,
A chaque fruit superposé,
Se fait belle palette, trop bien rangée,
Pour les gourmands encore couchés.
Et puis le jet du poissonnier
Qui le trottoir a lessivé,
Grandes rigoles de glace mélées,
Comme pour nous rappeler
Que les poissons vivent de l’eau, pas à coté…
Elle pourrait presque entendre les camelots crier,
A se héler de tous cotés,
Car elle les voit gesticuler,
Prendre des poses, menton levé,
Comme pour l’autre intimider,
Ou gentiment se taquiner….
Il y a aussi les voitures arrêtées,
Au coin de la rue soudain bloquées,
Les chauffeurs qui semblent irrités,
Comme si leur vie était comptée
Par ses secondes gaspillée,
Ils n’avaient qu’à tôt se lever !
Mais elle retourne Ă sa tasse,
En fait, elle attend que trépasse
La chaleur du café crémé,
Pour qu’elle puisse le consommer,
Et son cahier refermer,
Son crayon ramasser,
Et s’en aller,
Elle aussi, travailler…
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Françoise Pédel Picard