Non! laissez-moi passer
je ne puis m'arrêter
je suis un passant trop pressé!
Pas le temps
de vous voir
de vous regarder
de vous contempler, de vous admirer!
Que dites-vous?
je n'entends pas
je n'écoute pas!
Je cours encore et encore...
je fuis, je m'enfuis!
Quels sont ces cris, ces larmes, ces douleurs?
Tant pis! je passe: je n'ai pas le temps de m'attarder...
Et pour qui sont ces sourires offerts?
je ne veux pas le savoir!
surtout ne pas me retourner!
Pas le temps
de dire bonjour, bonsoir, merci!
Pas le temps de parler!
Pas le temps
d'embrasser
d'aimer
de consoler!
pas le temps
de chanter
de danser!
pas le temps
de rencontrer
de donner
de recevoir!
pas le temps
de goûter aux bonheurs
de rire
ou de pleurer!
Je m'échappe, je m'enfuis à grandes enjambées!
Je fonce à toute allure dans les brouillards et dans les brumes!
Je vais, je viens
je tourne et je retourne...
J'ai tant à faire et à défaire!
Mais!...où suis-je arrivé?
Me suis-je trompé de route?
Quel est donc cet endroit étrange et silencieux
où je me suis perdu?
Ah!!! est-ce la fin du parcours
et est-ce là que je dois reposer pour toujours?
Mais!...Il y a certainement erreur:
je n'ai pas pris le temps de vivre et je dois déjà mourir?
"Oui, c'est là la fin du voyage:
tu es le passant trépassé!"
gérard
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"Aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème, que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d'écrire un poème"
Extrait de "L'Artiste" de Charles Beaudelaire