En ce temps –là , j'étais courtier d'assurance. Allant de ville en ville pour gagner ma pitance, je passais souvent plus de temps dans ma voiture et sur la route que chez moi près des miens.
Ce jour-là je revenais d'avoir prospecté une autre région. J'étais assez content de moi. J'avais pu conclure quelques beaux contrats qui me permettraient dans le futur de pouvoir passer plus de temps à la maison. Je ne m'étais pas accordé de trêve afin de pouvoir rentrer plus vite mais, là , avec le soleil qui tapait déjà dru malgré l'heure matinale, je sentais mes paupières aussi lourdes que plomb. Mes bras et mes jambes agissaient par habitude et mon dos semblait faire le répertoire de chacun de mes os. La nuque faisait grève et ma tête ronflait déjà depuis un moment. Dans un sursaut d'énergie, à moins que ce ne soit un effet de l'instinct de survie, je garai la voiture sur le bas-côté de la route, baissai le dossier du siège et m'endormis.
Un violent rayon de soleil en plein visage me tira subitement de mon sommeil. La montre indiquait neuf heures trente mais le corps rechignait à se remettre en route. Par un effort de volonté, je m'extirpai de mon véhicule et m'étendis comme un chat. Quelques os craquèrent et subitement cette vieille carcasse consentit à se réveiller. Restait mon esprit encore embrumé mais une tasse de café bien chaud achèverait d'éclaircir mes idées. Je sortis le thermo de ma mallette et me servis une bonne tasse. Ah....Ce liquide bouillant réveillerait un mort........ En parlant de mort..... J'entendis soudain des voix célestes qui me firent croire m'être égaré en quelque jardin divin. Cherchant l'origine de ces sons enchanteurs, ma vue se porta sur un groupe de femmes occupées à ramasser de la lavande « à l'ancienne ». Comme dans un film ancien, elles chantaient une vieille complainte à plusieurs voix. Lorsque le couplet fut fini, s'éleva une voix merveilleuse, angélique, envoûtante qui me subjugua aussitôt. J'en déterminai l'origine chez une petite brunette qui se distinguait du groupe par une robe d'un rouge flamboyant couverte de petits ersatz de verre qui en faisaient plus un costume de scène qu'une tenue de travail. La chanson parlait d'une lavandière qui se faisait enlever par son amant et par une association d'idées je me vis courir dans le champ, embrasser la belle ouvrière et l'emporter sur un cheval blanc tout droit sorti de mon imaginaire. La belle me remerciait de ce sauvetage par une série d'ardents baisers quand la désagréable sonnerie de mon portable fit tout disparaître et me ramena sur terre : mon patron venait aux nouvelles pour ce qui concernait la nouvelle prospection.
Il y a des jours, comme ça, où le bonheur c'est un portable qui tombe en panne ! La réalité reprenait ses droits ! Je remontai dans ma voiture et me remis en route vers les brumes du Nord.
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Poser des mots comme des petites balises, des mots beaux, tristes, qui nous transportent, et qui nous font voyager, rêver, fantasmer...
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