Déplorable décor, ô nuit de ma cité
Aux alentours du port et sur la promenade;
Sous les phares blasés, épouvantés, ils rôdent
L'âme déconcertée, brûlée l'identité.
Hommes, femmes, enfants, de moult pays venus,
Par mêmes peurs brisés, mêmes peine et rancunes,
Unique espoir nourri, les miettes des fortunes;
Ils bravent le péril sur radeaux vermoulus.
Accablant périple, évanescents mirages,
L'âme monnayée dans les pays qu'ils ont fuis;
Cachés la journée, ils respirent la nuit,
Convoi de misère qui rêve d'amarrage.
Sur barques, camions, selon les moyens,
Proies des passeurs et des lames agitées,
Inertes repêchés sur les côtes argentées,
Lourde facture, quand on a simplement faim.
Sinon, refoulés, l'âme de suie couverte,
Trophées de vigiles aux médias exhibés,
Actes d'entraide de souffrances imbibés;
Pesants de déboires les avions qu'on affrète!
L'égoïsme prévaut dans ce monde immonde
Ici, des brins pour mets, restes de croûtons nus,
LÃ -bas, des banquets pour des gouvernants repus;
Les richesses de tous, dépensées à la ronde.
Dirigeants discoureurs, sermonneurs d'équité,
Publicistes publics de devises trompeuses,
Perfide devanture à paroles pompeuses,
Cessez ce canular chanté à satiété!
Bien-être sur malheur des miséreux conçu,
Volcan de colère déterrant l'accalmie ;
Les hommes affamés ignorent l'amnistie,
Quand l’instinct de survie rugit à leur insu.
Plutôt que par des frondes fatales périr,
Il faudrait de nos cœurs taire l'indifférence,
L'égoïsme cruel, éveiller la conscience
De l'homme qui se vautre insoucieux de l'advenir.
Bridons également le vol à la dérobe,
Que les Grands du monde perpètrent impunis,
Aux territoires des prétendus démunis,
Sous le regard accort des complices du globe.
Si j'étais Dieu des cieux, sûrement ordonnerais
Pacte indélébile pour une union pérenne
Où l'égalité n'est nullement notion vaine.
Mais de ma plume ne coulent que mots barrés,
Vers de rage vomis sur ces nouveaux vampires
Qui battent les contrées pour calmer leur soif d'or,
Sinistres voyageurs, moderne engin de mort,
Vendant leur âme au diable, inquiets de leurs empires.