La mort impudique déshabillait son regard.
La mort impudique déshabillait son regard de femme, s’installait dans la froide présence du vide et son insignifiance ; plus rien à saisir : comment peut-on définir le vide ? A chaque seconde la vie s’en allait à la rencontre de sa mort ; le souffle court, elle s’éteignait peu à peu : soumise au misérable tempo d’un cœur résigné ; rien n’allumait plus les miroirs de son âme. Rien…Et pourtant, Dieu sait combien, jadis, elle fut si belle et rayonnante.
Rien ne pouvait plus ranimer quoi que ce soit. Rien, tel qu’en lui-même, recouvrait sa vue d’un voile de fin du monde, le silence hypocrite mimait un mouvement des lèvres et des mots inaudibles. Rien à dire. Rien ! J’en prenais conscience : tout se délitait pour se fondre dans le sable d’un rivage incommensurable. Par peur de la perdre tout à fait, je me surprenais à dessiner son image sur un de ses petits grains, prenant conscience de ne pouvoir y graver le sien avec le mien.
Alors à quoi rimait cet instinct à poursuivre une existence vouée au sablier du temps. J’abhorrai cette condamnation au futur assassin, incliné que j’étais à reconstituer pour elle le passé déliquescent, alors qu’il eût été préférable que je vive pleinement le présent.
La mort impudique se jouait de ma sensibilité, dénouait sans vergogne ces liens affectifs que nous avions tissés au fil du temps. Temps forts pour ces concertos promis à l’oubli.
La mort portait ce masque tiède que j’embrassai avec une profonde tristesse. Tu étais déjà loin en route pour l’éternité. Ce serait pour Demain, bientôt, cette nuit prochaine. Alors, je t’ai dit au revoir, j’ai refermé la porte de ta chambre. Et j’ai pleuré.
Pierre WATTEBLED- le 11 juillet 2011
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