Plume de soie Inscrit le: 15/5/2009 De: Envois: 158 |
La folie et le poisson... La folie et le poisson… Un courant circulaire suit mon poisson. Sa tête folle précède le mouvement. Sa queue frôle le verre. Il nage en rond, il le poursuit, il l’a, il le tient ? Non !il l’a relâché ; et la ronde amoureuse continue. Sa queue frappe l’eau avec violence, comme pour se dégager de quelque chose. Le poisson fou recule, effrayé par lui-même, car il se voit dans ce verre qui renvoie son image. Il décrit un tout petit cercle, se retourne timidement. Mais il est toujours là , à droite, devant, derrière, en bas ; son ombre, son ombre est là , ils sont quatre ; ils sont six, ils sont deux ; il ne reconnaît même plus ma main ; j’ai voulu le rendre heureux, je l’ai rendu fou ; il est fou, il veut être seul… Le poisson rouge devient tout à coup noir, l’aquarium se met à tourner autour de ma chambre grise, chaque objet apparaît grossi, étrangement déformé par ce bocal, ce verre fumé, ce poisson noir qui tourne, tourne, et puis s’arrête au dessus de la lampe ; je la regarde, sa lumière fixe mes yeux et s’enfonce dans ma tête folle, tout tremble, tout bouge ; mes yeux suivent le manège, mon cou le mouvement ; mes mains me retiennent car je tombe ; je me relève, les gens applaudissent, mais je ne suis pas tombée, mes vertiges amusent la foule, ils rient, la séance est finie, la musique trop forte… Mon souffle me fait peur, la sueur glace mon sang, mais ma chambre soudain s’arrête, mon poisson rouge nage à la surface, pour que je lui donne à manger ; chaque chose a retrouvé sa place, mais, comment peut-il vivre enfermé ? Je suis assise sur un vieux banc, tout est triste, tout est sombre, cette place dite publique est toujours plongée dans l’ombre. Un clochard pleure sur sa bouteille fidèle. Et pour faire écho au carillon, trois fois sa cuillère de bois défonce une boite, les trois coups, le spectacle va commencer ; un facteur court, les gens passent, les gens vont, je me lève, je me rassies, un homme poursuit son chapeau, le vent s’amuse, le chapeau tombe dans l’eau. Je lance les deux bras en l’air, le clochard casse sa bouteille, j’applaudis, le spectacle est de qualité, un chien tire sur sa laisse, je tire sur ma chaîne, mais je n’ai pas de chaîne, je suis libre, je me lève, monte sur mon banc, et aspire longtemps, longtemps, j’aspire et je m’enfuie loin, vite, très loin, très vite en hurlant « je ne suis pas un poisson, je ne suis pas un poisson, je ne serai jamais un poisson rouge , jamais ! »
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