Chacun s'emporte; à sa manière...
Tu vois je ne suis rien qu'une ombre de la vie,
Et j'ai traversé tant d'hivers si rigoureux,
Que mes doigts sont gelés, et que malgré l'envie
Moi je ne pourrai pas, cueillir d'instants fiévreux...
Tu vois le jour est clair, d'un printemps qui s'éveille,
Puis qui s'en va lever le chant frais des oiseaux,
Dans l'air d'un grand soleil, qui toujours m'émerveille,
Qui sait dresser le pli, courbant trop de roseaux...
Tu vois j'aimerais tant fondre en ce paysage,
Et sentir un rayon s'égarant du tableau,
S'inviter sur le front perdu de mon visage;
Dans le brouillard épais, d'un triste trémolo...
Tu vois j'aimerais tant saisir la démesure
Transportant chaque rêve au fond de l'essentiel,
Sous quelques vents nouveaux séchant des plaies d'usure,
Et redonnant un souffle, au mal existentiel...
Tu vois j'aurais voulu, lavant l'encre à ma plume,
Te glisser un murmure illuminé de mots,
Et te parler du temps qu'il fait dessous la brume;
Que je connais si bien, que des jets lacrymaux...
Tu vois j'aurais voulu te suivre en ma mémoire,
Et sentir la douceur dans le fort de tes bras,
Et puis ton phare aimant, braquant la sombre armoire,
De tous mes vieux démons pesant trop d'embarras...
Mais tu vois moi je vais, comme un drap de poussière,
Secoué sur le bord d'un douloureux balcon,
Et surpris d'un vertige en suivant d'une pierre,
La triste analogie, planant d'un gros flocon...
Et tu vois j'ai si faim que même un peu de vide
Creusant encore un peu les chairs d'une affliction,
Pourrait là me nourrir d'une fleur trop acide,
Cultivée des regrets, en toute déception...
Et tu vois j'ai si froid qu'un frisson me rhabille,
En dévalant la pente encline à l'émotion,
Comme en tombant de haut, semblable à cette bille
Qui roulait d'une enfance, au plein feu d'une action...
Tu sais j'aurais voulu, pourtant sans rien attendre,
Poursuivre une impatience avivée par ta voix,
Et puis me retrouver, proie de ta main si tendre,
Et juste un peu fébrile, où l'amour s'entrevoit...
Et j'aurais tant voulu te guider dans mon antre,
Pas à pas dans le noir de ma réalité,
Puis te donner l'envie de plonger en mon ventre,
Un peu de ta lumière, emplie d'immensité...
Et j'y ai tant pensé, tu vois dans le silence,
Qu'un écho déraisonne un rien dans mon esprit,
Juste après le versant d'un trouble où tout me lance
Un appel à ton être, et que moi je chéris...
Mais moi je n'ai pas su, je crois à l'évidence,
Te porter le désir au point des libertés,
Où naît la majuscule, et puis la confidence,
Qui sans toi se conjugue, aux temps déconcertés...
Mais moi je n'ai pas su, soudain comment te dire,
Au dos d'une fenêtre où tout s'en va et vient
Que chaque poésie, qui voudrait là s'écrire
Emporte un peu de toi, qui d'un vers me revient...
-Raven Days - Deleyaman-
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