Les poissons.
Les poissons.
C'était un jour de Mars, mois de la renaissance où dame nature se pare de ses plus beaux bijoux. Mais ce jour là il faisait lourd, une chaleur étouffante écrasait la ville et engourdissait les gens. Le ciel brûlé par un soleil implacable transpirait, rendant les peaux moites et désagréables ; pas un nuage, pas un oiseau, le monde semblait plongé dans une sorte d'apathie. Le long du canal quelques personnes, venues quémander un peu de fraîcheur, flemmardaient à l'ombres des arbres. Roger, la trentaine passée, était adossé au tronc d'un hêtre. Ses bras étaient enroulés autour de ses jambes pliées, et son menton posé sur ses genoux ; il regardait un pécheur qui, debout et tout excité , s'acharnait sur sa canne pour sortir de l'eau sa prise. Tout ce qui avait le malheur d'être vivant devenait la proie de l'homme ; résultat : une partie se retrouve dans nos assiettes, une autre dans nos zoo, et la dernière en voie d'extinction ! Une pensée assez étrange agitaient Roger à cet instant ; il se demandait pourquoi, depuis des millénaires que l'Homme utilisait la même ruse pour pécher, ces maudits poissons n'avaient toujours pas compris ?! Ils devaient sûrement être stupides, niais !
Une femme, brune, la trentaine en apparence et plutôt jolie, vînt se mettre à l'ombre à environ deux mètres de Roger.
__ Bonjour monsieur, lui lança-t- elle, joignant un exquis sourire à son salut. Roger était concentré; son regard essayait de percer le voile saumâtre des eaux du canal pour, enfin, voir ce stupide poisson que le pécheur, au comble de l'excitation, tentait de sortir .Mais il semblait, visiblement, que la ligne s'était accrochée à quelque chose. Bref, Roger, tout à ses pensées, n'avait ni remarqué la femme, et encore moins entendu son "bonjour". Elle détourna les yeux, offensée par le manque de politesse du monsieur, et s'assit sur un magazine qu'elle avait préalablement posé sur le gazon .Elle retira de son sac un livre de poche, croisa ses jambes et entama sa lecture .Mais au bout de quelques minutes elle dût s'avouer vaincu; elle n'arrivait pas à se concentrer, l'arrogance du monsieur, assis derrière elle, l'exaspérait; elle se sentait bafouée, et ses magnifiques yeux vert s'étaient rabattu comme ceux d'un chien battu .Elle se retourna et jeta un timide et furtif coup d’œil à Roger. Ce dernier tendait le coup et serrait la mâchoire, les yeux écarquillée; des injures fusèrent subitement du coté du pécheur. Notre bonne femme regarda dans sa direction, surprise et assez gênée par l'averse de gros mots qui cinglait sa pudeur de femme .Il tirait de toutes ses forces, sa ligne était tendue à se rompre, et traitait le stupide, mais malheureux, poisson de tous les noms.
Finalement les efforts déployés par notre pécheur eurent raison du problème; sa prise se décrocha et, sous l'effet de sa force, il culbuta en arrière. Une grosse botte, crasseuse et fendue en long ,accrochée au bout de la ligne, voltigea un court instant dans les airs, suivis par les regards de Roger et de la charmante brune, et s'écrasa sur la nuque du pécheur, qui était encore à terre .Roger se leva d'un bond en brandissant les mains, poings serrés, et s'écria : Putain ils ne sont pas si stupides !
Zoheïr.
----------------
L'amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c'est une flamme qui
étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c'est une mer
qu'alimentent leurs larmes.
William Shakespeare(Roméo et Juliette).