Les yeux bandés...
Pourquoi devrions-nous accepter la lumière ?
Je découvre ton corps
Les yeux bandés, ma Chère
Et si quelque émotion
Traduit là de ma chair
La rapide passion,
Que le noir soit complice
En cette chambre close
Où je sais sous mes doigts
Découvrir une rose
Au si glorieux calice...
Pourquoi devrions-nous dans les chants de nos chairs,
Laisser ainsi le jour
Nous donner sa lumière ?
Nous sommes ces Amants
Qui aiment de leurs corps
Chaque fois découvrir
L'éternel mystère...
Chaque geste et caresse
Ressentis chaque fois,
Se changent en ivresses
Différentes ici-bas,
Que je suive d'un bas
La soyeuse finesse
Ou sente sous ta tresse
Aux cheveux en tendresse
Cette chair en émoi;
Je suis un Roi de Perse
Découvrant ses déserts,
Je sais sentir l'averse
Sur le grain de ta chair,
Iriser un peu plus
Les frissons de tes soies
Et goûter, yeux fermés,
La lyre de ta voix...
Pourquoi devrions-nous ici, nous satisfaire,
Nous voir, nous étreindre
Et voir nos corps se ceindre,
Alors que les ténèbres
Peuvent ici dépeindre
Tant de joies à venir,
Que l'on ne saurait feindre ?
Tous deux, les yeux bandés,
Nous allons ainsi peindre
Sur le lit-chevalet
Ces quelques toiles d'Ingres,
Faisant à chaque fois
Se mélanger nos chairs
Au bout de ces pinceaux
Qui brossent nos émois...
Jacques Hiers
Texte déposé. Tous droits réservés.
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