Plume de platine   Inscrit le: 10/3/2011 De: Envois: 5194 |
Le chat noir Dans une maison si modeste, au fond d'une ruelle de la médina, vivait une famille nombreuse qui arrivait avec peine à joindre les deux bouts du mois.
Le père travaillait dur, comme ouvrier, dans une boulangerie. Quand il rentrait, le soir, à la maison, il avait toujours, sur les bras, du pain chaud dont l'odeur embaumait toute la ruelle et accentuait l'appétit de ses gosses qui s'emparèrent du trésor et accoururent autour de la meïda que leur mère avait soigneusement préparée avant le retour de son mari.
Souvent, le plat cuit était constitué seulement des légumes. Parfois, il y avait en plus quelques fruits de saison achetés à bas prix. Les enfants ne pouvaient plus, s'attablèrent autour de la meïda et commencèrent à manger avant même que leurs parents ne les aient rejoints.
Leur mère Selma les grondait parfois; elle leur reprochait leur manque du respect, du savoir-vivre… Leur père Salem se montrait, plutôt, plus tolérant; parce qu'il se sentait peut-être coupable de ne pas pouvoir leur assurer un niveau du vie meilleur.
Sa femme faisait de son mieux pour gérer à bien le budget de la famille : elle essaye de se procurer les marchandises à bas prix; c'est pour cela qu'elle se rend au marché juste avant la fermeture. A ce moment-là , tous les vendeurs étaient contraints d'écouler leur marchandise, parfois même à moitié prix. Deux fois par semaine, elle va chez le boucher, pour acheter quelques tripes qui constituaient un vrai régal pour toute la famille.
Elle a remarqué tant de fois la présence d'un chat noir rôdant dans les alentours qui léchait le sang. Ce chat la fixait du regard chaque fois qu'elle se rendait à la boucherie.
Un jour, il l'a suivie jusqu'au coin de la rue où elle habitait et depuis elle le voyait partout où elle allait. Selma commença à s'habituer peu à peu à la vue de ce chat et son apparition ne la gênait plus. Au contraire, un jour, elle fut même inquiète de ne pas le voir.
Le lendemain, le chat apparut comme d'habitude au coin de la rue. Il paraissait épuisé : il avait l'air fatigué, il souffrait d'une blessure à la patte de devant. Selma le ramena chez elle et le soigna; et dès lors le chat noir pénétrait dans la maison comme bon lui semble.
La bonne femme était ravie de le voir complètement rétabli. Elle lui offrait les miettes qu'elle ramassait sur la meïda et parfois elle lui donnait une partie de son repas.
Un jour, l'un des enfants de Selma tomba gravement malade et la bonne femme ne pouvait rien faire. Elle n'avait pas d'argent pour le prendre chez un médecin. Elle a essayé tous les remèdes traditionnels, mais en vain. Elle était triste, complètement effondrée, incapable de secourir son fils dont l'état devenait de plus en plus critique; il a perdu connaissance.
Désespérée, Selma fond en larmes. Le chat noir qui contemplait la scène de loin, s'approcha d'elle et prit une forme humaine. Le bel homme aux cheveux noirs et raides et aux grands yeux de ténèbres s'approcha d'elle et prit l'enfant dans ses bras. Elle frotta les yeux pour mieux voir, elle croyait rêver.
Il prononça quelques formules magiques, le petit reprit connaissance et parut mieux portant. Ce dernier, ravi de voir Selma heureuse, profita pour lui demander sa main.
La pauvre femme fut sidérée, elle lui expliqua qu'elle était mariée, qu'elle ne pouvait accepter sa demande, que la polygamie était n'existait pas dans son monde; mais il ne voulait rien entendre. Il pense que Selma et son mari lui sont redevables et qu'ils doivent exhausser son vœu sinon il s'en prendra à eux.
Les deux époux refusèrent vivement et le chat noir rendit Salem aveugle. Ce dernier céda au chantage et accepta que sa femme se rendait deux fois par semaine chez le chat noir.
Le soir du jeudi et vendredi, Selma se parait et montait à la buanderie. Dès qu'elle y mit le pied, le lieu se transforma en un grand château admirable où le chat noir l'attendait, content de la revoir à chaque fois.
Selma paraissait de plus en plus épanouie, surtout que sa famille vivait depuis cet incident confortablement. Elle vécut durant des longues années à ce rythme-là et le chat noir était heureux de voir Selma s'occuper de ses enfants qu'il avait eus de sa première femme qui fut tuée par un humain, alors qu'elle rôdait dans les rues de la médina. Et depuis, le chat noir cherchait quelqu'un qui s'occuperait bien de ses enfants. En voyant Selma, il fut subjugué non seulement par sa beauté, mais aussi par sa bonté. C'est pour cela qu'il décida de l'épouser.
Un jeudi soir, comme d'habitude, Selma est montée à la buanderie où elle trouva les parents et les amis du chat noir tous en deuil. Elle leur demanda la raison. On lui expliqua que le chat noir, en léchant le sang, fut assommé par un humain si fort qu'il agonisât sur le champ. ET on lui demanda de respecter la volonté du défunt : veiller sur sa progéniture comme de son vivant.
Selma, bouleversée par la mort du chat noir, ne savait pas ce qu'elle devait faire. Elle était fatiguée, complètement épuisée. En descendant dans sa demeure, elle mit Salem au courant. Ce dernier lui demanda d'oublier définitivement l'histoire du chat noir et de se consacrer à ses propres enfants.
La pauvre femme approuva la décision de son mari sans grande conviction. Elle voulait seulement se reposer; alors elle s'allongea sur le divan et dormit profondément. Le lendemain, elle avait la mine chiffonnée; mais elle se releva comme même et vaqua à ses obligations habituelles, sans pour autant oublier ce qui s'était passé la veille.
Son mari fit de son mieux pour qu'elle oublie le drame qu'elle venait de vivre. Quelques jours après, il réussit à détourner son attention et la vie reprit son cours normal.
Un jour, Selma était seule à la maison entrain de préparer le dîner; alors que son mari travaillait et ses enfants étaient encore à l'école. Soudain, elle entendit le bruit des pas qui descendaient l'escalier; elle quitta la cuisine pour vérifier. La surprise la cloua au sol et elle bredouilla quelques mots en guise de bienvenue.
C'étaient les enfants du chat noir qui sont venus lui rendre visite. Ils voulaient savoir pourquoi elle ne leur avait pas rendu visite depuis la mort de leur père. Ils leur reprochèrent son manque d'affection à leur égard, alors qu'ils la considéraient comme leur propre mère; qu'ils l'aimaient fort, qu'elle leur manquait énormément, qu'ils ne pouvaient pas concevoir la vie sans sa présence à leurs côtés.
Selma, très affectée par cette apparition et par l'amour qu'ils éprouvaient envers elle; les serra fort contre elle et fondit en larmes.
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