Bien au delà de l'Eridan, berceau de Romulus,
Près d'un lointain mystère aux demeures de l'Aurore,
Vécurent de vieux hommes au passé révolu,
Tout près d'un fleuve aux images sonores!
On l'appela Achélous, le fleuve des dieux.
La main de Clio, en dépliant ses lèvres,
Avait épanché la sève au milieu de ses eaux,
Où se reflétait le flanc de Cybèle! 1
Achélous convoitait de l'aube à la nuit,
Une douce sirène, du nom de Déjanire.
Pour parier qu'elle était son usufruit,
Il entendait sa voix près de ses rives!
Tous deux se retrouvaient au creux d'un rocher,
Sur un lit de mousses et de feuillages,
Le brûlant, éperdument, d'un flux de baisers,
Que le temps gravait au fronton des âges!
L'Epire, émue, ne put se contenir,
Si bien que des rumeurs vinrent aux oreilles d'Hercule.
Déjanire! ce colosse en rêvait jusqu'à mourir,
Du jour, où il l'a vit, nue, dans le bassin de Neptune.
C'était trop; il fallait affronter Achélous.
Hercule, un matin, héla les trois Parques,
Leur promit d'être sage, comme un ours,
A défaut de faire trembler l'Ithaque...
Mais la patience, soeur jumelle du destin,
Pencha en faveur du colosse.
D'une bataille aux échos sans fin,
Achélous s'offrit en holocauste.
Depuis, si vous passez aux pays des dieux,
Allez demander aux forêts de Dodone,
Ce qu'est devenu un fleuve amoureux:
"Un autre élément qui offrit une corne! "
1 Le flanc: les rives du fleuve. Cybèle: La Terre mère.
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Je crois qu'il n'y ait eu guère d'auteurs qui aient été contents de leur siècle. Vauvenargues.