Plume de soie Inscrit le: 18/2/2011 De: Envois: 76 |
Les enfants de gélatine Le squelette au ventre rond et plein Se promène sur le sable fin et blond A la lisière de cette étrange plage Où l'esprit déroule la funeste image La peau remplie d'os craque à chaque passage Où chaque grain criant son lamento Enfonce dans mon coeur à ciel ouvert Les cris muets de ses longs couteaux
Il se promène nonchalant et sans pudeur Avec de grands yeux dilatés de bourreau Il s'en va, habillé de la dernière nudité A la mode de ces ultramodernes plateaux Où les primates, les singes de mon quartier Ont dressé les spots à de brillants échafauds A l'heure de pointe des journaux télévisés
Le squelette au ventre plein et fondant Les restes d'un vent nordique et civilisant A la gloire disgracieuse des derniers colons Promène incessant les herses de leurs mains Dans le foin incendiaire de mon champ Où tout mon être se consume impuissant
Le squelette ventripotent et cauchemardeux Du fond douloureux de son regard d'ébène Le malheur me regarde de ses yeux chassieux En pleurant chaudement sur la misère humaine Où un à un, les os égrènent les grains de la peineDe ce chapelet plein d'hallucinants versets Où se reconnait la litanie froide de la haine
Le squelette où se faufile la robe de la faim Enfonce dans la chair croustillante de mon coeur Des dents plus acérés que le noir destin De mes semblables, ces malheureux frères Le squelette où se dilatent deux pauvres seins Au cinéma ostentatoire de la raison humaine Ou défile les vertèbres sous le feu de la faim Psalmodie le refrain maudit de ma douleur
Il enfonce ses fines et mendiantes mains Dans le tissu riche et soyeux de mes entrailles Pour donner une succulente et fière ripaille Aux rapaces de la terre, ces vils assassins Mon corps se bat contre mon autre corps Terre des hommes, monde mort des humains Sur le sable où le soleil se prélasse sans habits Où s'échine avec fracas le dur sabot de la vie
Des femmes ont séché leur amour et leurs envies Sur leurs seins crevés dans un désert sans lait Où pendent de diurnes et noires chauves souris Des enfants qui n'ont que leurs yeux pour pleurer
Des hommes encore fiers fument leurs jours En piétinant les derniers assauts de leur honneur En tirant en vain leur peau sur leur pourtour Un avion étincelant aussi lointain qu'insolent Traverse leur ciel où pullulent les vautours Tel un grain de blé important jeté dans le vent Ils le regardent passer de leurs yeux prisonniers Tel un espoir évaporé dans le ciel de leur grenier Les échos fragiles d'une sempiternelle prière
Le squelette qui marche sur sa future tombe Brûle un cierge au chevet de mon malheur Où l'espoir évadé de la morne hécatombe Maintenu aux tuyaux irréels de la perfusion Entretient le rêve et le feu puéril de l'illusion En peuplant les ombres folles de mes heures J'irai dire à la cité d'inclure dans ses tableaux La lignée cartilagineuse de nouveaux animaux
J'entends murmurer les lèvres de mon cerveau Du fond de l'esprit biaisé d'où sourd le bruit Des folles idées des citoyens de mon quartier Où chiens et chiennes, ces canins si civilisés Au registre de l'état civil des noces organisées Entre machienne et monchien de noble pédigrée Les héritiers forts avoués de la nouvelle mondanité
De cet amour de chien grandissant de la chiochiété Des hybrides naissant seront demain parachutés Présidents aux commandes de notre destinée Les singes de mon quartier, vendent à la criée Les ventres de mes enfants des ballons dégonflés Et mes enfants ne savent pas, ne savent plus jouer
Ariane mon seigle, mon riz, mon froment, mon blé Je te donne la lune du sahel où poussent des enfants nus Où se suicide le noir corbeau et la blanche colombe se tue Ariane, Columbia, le nucléaire, et toutes les guerres Autant de pains déserteurs de la bouche de mes frères A la gloire des drapeaux qu'il faut mettre en berne Les squelettes aux ventres pleins et ronds Fantômes pitoyables et impitoyables jalons Où le vingt et unième siècle distribue les vingt ans Fruits augustes et succulents de tous les temps
Nous sommes les commis de la planète du diable A regarder parader les peaux de cire ingrates Où chaque grain est une bouche lamentable Où chaque bouche est une parole d'enfer Où l'enfer est synonyme de notre vieille terre
Les enfants de gélatine dans le four africain De la brûlante Somalie au mouillé Bengladesh Des Andes rocheuses à la pauvreté du Pradesh N'ont que leurs yeux comme ultimes mains Pour frapper aux portes de nos coeurs fermés A ce qu'il est possible encore en nous d'humain
Les enfants de gélatine au goût de l'osséine Dans la fournaise du monde et du temps Avec leur taille monstrueuse et assassine Somnolents, marchent tristes et indolents. Leur pas à pas sur le sable muet des mots De la douleur rythmée de mon silence Où le verbe pleutre se terre sous la peau De la perfide et insouciante conscience Malheur aux religieux de tous les bords Près des dieux autonomes et loin des hommes Malheur aux assemblées et à tous les corps Des systèmes politiques et leurs syndromes Les enfants de gélatine, ces gueux leptosomes L'incurable maladie de la pyramide humaine.
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