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     Les enfants de gélatine
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Expéditeur Conversation
Bena
Envoyé le :  11/3/2011 10:14
Plume de soie
Inscrit le: 18/2/2011
De:
Envois: 76
Les enfants de gélatine
Le squelette au ventre rond et plein
Se promène sur le sable fin et blond
A la lisière de cette étrange plage
Où l'esprit déroule la funeste image
La peau remplie d'os craque à chaque passage
Où chaque grain criant son lamento
Enfonce dans mon coeur à ciel ouvert
Les cris muets de ses longs couteaux

Il se promène nonchalant et sans pudeur
Avec de grands yeux dilatés de bourreau
Il s'en va, habillé de la dernière nudité
A la mode de ces ultramodernes plateaux
Où les primates, les singes de mon quartier
Ont dressé les spots à de brillants échafauds
A l'heure de pointe des journaux télévisés

Le squelette au ventre plein et fondant
Les restes d'un vent nordique et civilisant
A la gloire disgracieuse des derniers colons
Promène incessant les herses de leurs mains
Dans le foin incendiaire de mon champ
Où tout mon être se consume impuissant

Le squelette ventripotent et cauchemardeux
Du fond douloureux de son regard d'ébène
Le malheur me regarde de ses yeux chassieux
En pleurant chaudement sur la misère humaine
Où un à un, les os égrènent les grains de la peineDe ce chapelet plein d'hallucinants versets
Où se reconnait la litanie froide de la haine

Le squelette où se faufile la robe de la faim
Enfonce dans la chair croustillante de mon coeur
Des dents plus acérés que le noir destin
De mes semblables, ces malheureux frères
Le squelette où se dilatent deux pauvres seins
Au cinéma ostentatoire de la raison humaine
Ou défile les vertèbres sous le feu de la faim
Psalmodie le refrain maudit de ma douleur

Il enfonce ses fines et mendiantes mains
Dans le tissu riche et soyeux de mes entrailles
Pour donner une succulente et fière ripaille
Aux rapaces de la terre, ces vils assassins
Mon corps se bat contre mon autre corps
Terre des hommes, monde mort des humains
Sur le sable où le soleil se prélasse sans habits
Où s'échine avec fracas le dur sabot de la vie

Des femmes ont séché leur amour et leurs envies
Sur leurs seins crevés dans un désert sans lait
Où pendent de diurnes et noires chauves souris
Des enfants qui n'ont que leurs yeux pour pleurer

Des hommes encore fiers fument leurs jours
En piétinant les derniers assauts de leur honneur
En tirant en vain leur peau sur leur pourtour
Un avion étincelant aussi lointain qu'insolent
Traverse leur ciel où pullulent les vautours
Tel un grain de blé important jeté dans le vent
Ils le regardent passer de leurs yeux prisonniers
Tel un espoir évaporé dans le ciel de leur grenier
Les échos fragiles d'une sempiternelle prière

Le squelette qui marche sur sa future tombe
Brûle un cierge au chevet de mon malheur
Où l'espoir évadé de la morne hécatombe
Maintenu aux tuyaux irréels de la perfusion
Entretient le rêve et le feu puéril de l'illusion
En peuplant les ombres folles de mes heures
J'irai dire à la cité d'inclure dans ses tableaux
La lignée cartilagineuse de nouveaux animaux

J'entends murmurer les lèvres de mon cerveau
Du fond de l'esprit biaisé d'où sourd le bruit
Des folles idées des citoyens de mon quartier
Où chiens et chiennes, ces canins si civilisés
Au registre de l'état civil des noces organisées
Entre machienne et monchien de noble pédigrée
Les héritiers forts avoués de la nouvelle mondanité

De cet amour de chien grandissant de la chiochiété
Des hybrides naissant seront demain parachutés
Présidents aux commandes de notre destinée
Les singes de mon quartier, vendent à la criée
Les ventres de mes enfants des ballons dégonflés
Et mes enfants ne savent pas, ne savent plus jouer

Ariane mon seigle, mon riz, mon froment, mon blé
Je te donne la lune du sahel où poussent des enfants nus
Où se suicide le noir corbeau et la blanche colombe se tue
Ariane, Columbia, le nucléaire, et toutes les guerres
Autant de pains déserteurs de la bouche de mes frères
A la gloire des drapeaux qu'il faut mettre en berne
Les squelettes aux ventres pleins et ronds
Fantômes pitoyables et impitoyables jalons
Où le vingt et unième siècle distribue les vingt ans
Fruits augustes et succulents de tous les temps

Nous sommes les commis de la planète du diable
A regarder parader les peaux de cire ingrates
Où chaque grain est une bouche lamentable
Où chaque bouche est une parole d'enfer
Où l'enfer est synonyme de notre vieille terre

Les enfants de gélatine dans le four africain
De la brûlante Somalie au mouillé Bengladesh
Des Andes rocheuses à la pauvreté du Pradesh
N'ont que leurs yeux comme ultimes mains
Pour frapper aux portes de nos coeurs fermés
A ce qu'il est possible encore en nous d'humain

Les enfants de gélatine au goût de l'osséine
Dans la fournaise du monde et du temps
Avec leur taille monstrueuse et assassine
Somnolents, marchent tristes et indolents.
Leur pas à pas sur le sable muet des mots
De la douleur rythmée de mon silence
Où le verbe pleutre se terre sous la peau
De la perfide et insouciante conscience
Malheur aux religieux de tous les bords
Près des dieux autonomes et loin des hommes
Malheur aux assemblées et à tous les corps
Des systèmes politiques et leurs syndromes
Les enfants de gélatine, ces gueux leptosomes
L'incurable maladie de la pyramide humaine.
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