Plume d'or Inscrit le: 15/8/2010 De: Orléans Envois: 1611 |
Nettoyage par le vide. Sur l'Isara, pétrolier de trente-deux mille tonnes (un petit, comparé au Léda de deux cent soixante-quinze mille tonnes), les cabines de l'équipage se trouvaient sous le niveau du pont principal. De ce fait, on y accédait de l'intérieur, et les hublots de ces cabines donnaient directement sur la mer. Cet agencement avait des avantages mais également des inconvénients, témoin ce récit.
Un graisseur qui devait débarquer au Havre, après quatre mois de mer, avait demandé au bosco (maître d'équipage), vers la moitié de son temps à bord, une paire de chaussures (sandales pour la machine, mais qui, neuves, pouvait passer pour correctes).
Il la gardait jalousement, bien rangée dans son emballage, sous sa bannette, à coté d'une tonne de fouillis qu'il se promettait de ranger avant son débarquement.
Justement, deux jours avant le départ, c'est le grand rangement. On ouvre le hublot, et tout ce que l'on ne veut plus, hop, par-dessus bord.
C'est très efficace, mais malheureusement irréversible.
Emporté par l'élan, tout y passe: carton d'emballage vide, canettes vides, vieilles fringues usées, bouquins lus et relus, et... la boîte de chaussures neuves prévues pour le débarquement.
Trop tard, en pleine mer, filant vingt nœuds (trente-huit kilomètres à l'heure), même si le carton flotte un bon moment, qui irait le repêcher ?
Le bosco n'en est pas à une paire de chaussures près, mais voilà , au retour du voyage, son stock est épuisé, plus de sandales. Notre graisseur devra débarquer avec ses anciennes chaussures, usées, percées, sales et pleines de taches de graisse.
Il habitait Marseille, et dut traverser la France en pompes crasseuses.
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