Comme chaque matin, depuis bien des années,
Il respectait le rite avec les mêmes gestes.
Il appliquait ses mains, comme conditionnées,
Sur l’objet de ses soins. Il avait les doigts lestes…
Il l’avait bichonné tout d’abord sous la douche,
Câliné tant et plus avec adoration,
Savonné patiemment, une dernière touche,
Et l’avait exhibé telle décoration.
Satisfait, tout content, il se fit un sourire
Que refléta la glace un peu trop embuée.
Il s’était fait plaisir. On ne peut qu’y souscrire.
Sa patience infaillible était rétribuée.
Lorsqu’il eut essuyé le verre du miroir,
Anxieux il s’approcha pour mieux se rassurer.
Ce qu’il vit l’atterra. Ouvrant un grand tiroir
Il prit un centimètre et voulut mesurer.
De deux doigts délicats, pour ne pas le friper,
- Il pendait, recourbé, informe et lamentable -
Il dut le constater, ne pouvant pas piper,
Il avait rétréci ! C’était épouvantable !
Tirer dessus ?... Mon Dieu !… Mais que fallait-il faire ?
Avec le temps, c’est sûr !... S’accrocher à l’espoir !
Il n’y avait que ça qui pourrait satisfaire.
Ses idées s’emmêlaient, hachées au découpoir !
Car comprenez cet homme, si fier de sa prestance,
Rien n’est pire que ça pour le rendre nerveux.
Comment voulez-vous donc qu’il garde consistance
S’il croit qu’il a perdu son tout dernier cheveu ?