Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
110 utilisateur(s) en ligne (dont 94 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 6
Invité(s): 104

PASCAL, Sphyria, Ancolie, Sybilla, yoledelatole4, Isabell, plus...
Choisissez
MA FEMME APRES AVOIR ACCOMPLER SON PELIRINAGE
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     La deuxième cachette
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
Chibani
Envoyé le :  15/12/2010 14:42
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
La deuxième cachette

* * * * La deuxième cachette * * * *


La planque


Il y avait trois ans que la France était sous l’occupation allemande et en ce temps de trouble, tout pouvait être prétexte à dénonciation. La milice, sous couvert de leur protection, n’hésitait pas à se lancer dans de fastidieuses et cruelles enquêtes au but bien souvent inavouable.

Il faisait presque nuit lorsqu’une voiture, tous phares éteints, d’un gris foncé qui se confondait à l’atmosphère blafarde de ce quartier de Courbevoie, déposait trois passagers devant le 71 de la rue de Normandie, avant d’aller se garer un peu plus loin dans un emplacement éloigné de tout réverbère.

L’un des trois hommes poussait délicatement la lourde porte de fer forgé, juste ce qu’il fallait pour leur permettre le passage, éviter d’en faire grincer les gonds qui réclamaient pourtant un entretien depuis fort longtemps. Ils s’étaient tapis dans l’ombre protectrice des grands ifs qui bordaient la haute grille aux pointes acérées comme celle d’une forteresse.

Que pouvait-il y avoir de si important dans cet immeuble tranquille pour que de telles précautions soient prises !

De mémoire de voisins, il n’y demeurait que quelques familles dont certaines étaient privées de leurs enfants exilés chez des parents en province. Il y avait aussi, un petit bossu, un célibataire qui logeait sous les combles dans deux chambres de bonne.
Féru d’horlogerie, bien que ce ne fut pas son métier, la presque totalité de sa seconde pièce n’était qu’un bric-à-brac de rouages, de ressorts, de cadrans de montres ou de pendules qu’il était le seul à pouvoir encore utiliser.

Il y avait eu récemment un attentat dans une usine d’armement de Bécon-les-Bruyères. L’affaire, bien préparée, avait privé les forces d’occupation de tout un chargement peu avant son expédition. Un engin explosif, relié à un bidon d’essence avait tout détruit une demi-heure avant l’ouverture de l’usine. Comme nulle trace d’effraction n’avait été relevée, l’enquête déterminait que la mise à feu n’avait pu être déclenchée que par un mécanisme annexe.

Etait-ce le motif de la présence de ces miliciens, tout permettait de le penser. Il y avait suffisamment de matériel d’horlogerie chez le bossu pour qu’il puisse confectionner ce type de déclencheur, mais mis à part les familles qui habitaient cet immeuble, qui pouvait le supposer.

Il ne sortait que rarement de chez lui, juste pour utiliser ses tickets de rationnement chez l’épicière qui faisait également charcuterie et chez la boulangère de la rue Gautier, et encore dans un mutisme que tous attribuaient à son état physique.

Alors, si ce n’était pas pour lui, que surveillaient-ils ainsi postés dans la nuit ?

La lune, qui venait de traverser les nuages opaques, découvrit un court instant le groupe de nos trois hommes. L’un, malgré la température un peu fraîche, avait entrouvert sa veste, juste assez pour que la crosse d’un 7,65 reluise sous son rayon lumineux. Ils étaient armés, l’affaire était donc sérieuse mais si elle concernait notre bossu, ils ne devaient pas savoir qu’en cette heure tardive, il dormait après avoir fermé sa porte double tour de clé.

Il y avait longtemps que le quatrième homme sommeillait dans sa voiture. Il n’avait pu voir deux ombres s’approcher et, de l’endroit où ils étaient toujours tapis, les trois autres ne le pouvaient pas non plus. Parvenus à la hauteur du véhicule, ils cessaient leur progression silencieuse, s’interrogeant par gestes sur cette présence insolite avant de rebrousser chemin jusqu’au terrain vague de la rue Emile Deschanel, dans lequel ils se fondirent.

Trois heures venaient de tinter à l’horloge de l’église voisine et, mis à part ces deux ombres furtives, rien ne s’était encore produit. Comme ils étaient entrés, nos trois miliciens ressortaient en silence pour rejoindre leur véhicule. Leur faction s’était avérée inutile et peut-être même que leur information était infondée. Il ne leur restait plus qu’à regagner leur quartier général.


***


L’interrogatoire

Pour le bossu, la nuit avait été tranquille. Loin de toute intrigue, il avait rêvé qu’il était l’un des bijoutiers de la place Vendôme et que tout le Gotha de Paris venait le flatter pour ses dons de transformer ces vieilleries en bijoux originaux dont leurs femmes se paraient. Il était loin, ou tout du moins semblait-il le paraître, d’avoir été l’instigateur de cette bombe qui avait détruit une grande partie de l’entrepôt de Bécon-les-Bruyères.

Il s’était levé comme d’habitude, avait fait réchauffer l’ersatz de café qui lui restait de la veille et avait trempé dedans un quignon de pain sec. Puis, comme il le faisait tous les jours, il avait réunit quelques pièces disparates pour tenter de leur redonner vie. Cela faisait bien deux heures qu’il s’escrimait ainsi, l’oculaire grossissant fixé à l’orbite quand trois coups frappés à sa porte le firent sursauter.
- Qui c’est ?
- Madame Gauffier, votre voisine. Je pars en course, vous n’avez besoin de rien aujourd’hui ?
- Juste deux cents grammes de pain si cela ne vous dérange pas, mais pas plus, je n’ai presque plus de tickets.
- Ne vous inquiétez pas, monsieur Paul, il m’en reste du mois dernier. Si la boulangère m’en pèse de trop, je ferai l’appoint.

Madame Gauffier, demeurait dans l’une des autres chambres de bonne de cet étage. C’était une brave femme, qui élevait seule sa fille Gisèle âgée de six ans. Elle faisait des ménages pour subvenir à leurs besoins et le peu que cela lui rapportait ne mettait pas souvent de beurre dans les rutabagas. Cela ne l’empêchait pas de faire, de temps à autre, le ménage de monsieur Paul bien qu’il y trouva un réel déplaisir. Malgré toutes ses précautions pour ne pas toucher à son fourbi, dès qu’elle était sortie, on entendait le bossu ronchonner qu’il ne trouvait plus rien à sa place.

Monsieur Paul avait repris son ouvrage. Il voulait terminer cette pendule qui lui tenait tête depuis deux jours. Il avait enfin trouvé la roue dentée qui lui faisait défaut et s’apprêtait à l’ajuster quand à nouveau on frappait.
- Inutile de frapper, madame Gauffier, vous pouvez entrer, je ne l’ai pas fermée.
Il avait le dos tourné à la porte pour mieux recevoir le peu de jour qui diffusait l’étroite fenêtre du comble.
- Vous pouvez le mettre sur mon lit, dit-il toujours sans se retourner, absorbé par son travail.
- Paul Inhauser, c’est bien vous ? L’intonation masculine faillit lui faire perdre l’oculaire.
- Oui, c’est moi, pourquoi, dit-il en pivotant sur son tabouret.
Trois hommes lui faisaient face, occultant le peu d’espace encore libre de sa petite pièce.
- Les questions, c’est nous qui les posons. Contentez-vous de nous répondre. Vous êtes bien Paul Inhauser ?
- Oui.
- Papiers d’identité.
Monsieur Paul s’était enfin levé de son tabouret, révélant aux trois hommes stupéfaits sa petite taille et son infirmité. Celui qui paraissait être le chef s’était saisi de la carte et l’étudiait avec soin.
- Inhauser, c’est un nom allemand, ça !
- Non, autrichien.
- Autrichien, comme le FĂĽhrer.
- Je ne sais pas.
- Je ne sais pas quoi !
- Je ne savais pas qu’il était autrichien.
- Vous fabriquez quoi avec vos bricoles ?
- Je répare des montres et des pendules.
- Vous ne fabriquez pas, par hasard, des déclenchements à retardement.
- Des quoi ?
- Des minuteries pour détonateurs.
- Je ne sais pas si j’en serais capable.
Monsieur Paul reprenait de l’assurance, énervé toutefois de voir les deux acolytes farfouiller dans son fourniment.
- Ils cherchent quoi dans mes affaires ?
- Une preuve.
- Une preuve de quoi ?
- De savoir si vous en ĂŞtes capable.

Par la porte, restée ouverte, madame Gauffier, qui venait d’entrer, s’arrêtait sidérée.
- Vous n’avez rien à faire ici, madame.
- Qu’est ce que je fais de votre pain, monsieur Paul ?
- Je vous ai dit de sortir, madame.
- Qu’est ce que vous lui voulez à monsieur Paul, dit-elle ignorant l’injonction du meneur d’interrogatoire. Vous voyez bien qu’il ne peut pas faire de mal, même à une mouche.
- Vous peut-ĂŞtre que si !
- Moi, si on me marche sur les pieds, je ne me laisse pas faire. Ici, il n’y a que des honnêtes gens, vous savez. Vous n’avez qu’à demander autour de nous, ce serait bien le diable si on vous disait le contraire.
- Pourtant, c’est bien ce qui s’est passé.
- Un dénonciateur anonyme, je suppose.
- Cela ne vous regarde pas, et voulant couper court à cette conversation qu’il ne souhaitait pas, il se retournait vers ses deux collègues, alors, vous avez trouvé quelque chose ?
- Rien du tout, Chef. On se demande d’ailleurs en voyant certaines pièces comment il pourrait être capable de ce que l’on accuse.

En temps normal, hors de la présence de témoin, il se serait laissé aller à embarquer monsieur Paul pour un interrogatoire plus musclé. Mais là, en l’absence d’éléments corroborants l’accusation et devant l’insistance de madame Gauffier à ne pas vouloir quitter les lieux, il décidait que le mieux pour eux était de s’en aller.
- Inhauser hein, lança t’il en franchissant la porte, vous avez de la chance d’avoir un nom pareil.


***

La deuxième cachette


Le bruit de leurs chaussures, sur les vieilles marches de bois de l’escalier, s’estompait au fur et à mesure qu’ils descendaient. Monsieur Paul, comme madame Gauffier, cette fois sans voix, se regardaient hébétés. Ce ne fut que lorsqu’ils entendirent la porte d’entrée de l’immeuble se refermer qu’ils prirent conscience de ce qui venait réellement de se passer.
- Qu’est-ce qu’ils vous voulaient ces zozos là ?
- Si je le savais vraiment. Avant que vous arriviez, leur chef m’a demandé si je fabriquais des détonateurs. Et maintenant, regardez-moi ce foutoir que les deux autres ont laissé. Je ne vais plus m’y reconnaître. J’en ai bien pour une semaine à tout ranger.
- Vous voulez que je vous aide, monsieur Paul.
Il faillit lui crier non et il s’était retenu de justesse. Même si cela l’embêtait, il lui devait bien ça. Si elle n’avait pas été là, peut-être que lui n’y serait plus à l’heure qu’il est.
- C’est d’accord, finit-il par lui dire, mais qu’à la condition que nous prenions un petit remontant d’abord. Qu’en pensez-vous ?
- Un remontant et un déjeuner aussi car il est plus que l’heure.
- Ca ne vous a pas coupé l’appétit.
- A moi ! Grands dieux non, ce serait mĂŞme le contraire.
- Eh bien, on peut dire que vous avez du courage.
- Foin de balivernes, oĂą est-il votre remontant ?
- Là où ils n’ont pas fouillé. Juste en dessous de l’endroit où je remise mes chaussures.
- Je vais vous le chercher.
- Ah non, pardon madame Gauffier. C’est moi qui vais le faire.
- Seriez-vous cachottier d’autres choses, monsieur Paul ?
La question, pour embarrassante qu’elle soit, semblait avoir saisi ce dernier plus que celles de l’enquêteur. En présence d’une personne amie, il s’était découvert plus qu’il ne l’aurait voulu.
- Oh pas grand-chose, juste quelques affaires que mes parents m’ont laissé en dépôt en 1940 avant de partir en Amérique.
- C’est vrai que votre beau-père est américain. Vous avez de leurs nouvelles ?
- Pas depuis 1941.
- Pourquoi vous n’êtes pas parti avec eux ?
- L’ambassade n’acceptait que ses ressortissants, leurs conjoints et leurs enfants. Moi, je n’étais que le fils de ma mère et adulte de surcroît. Ils m’ont refusé le visa.
- Dans le fond, c’est bien pour moi sinon je serais toute seule à habiter cet étage.

Paul après avoir déplacé ses chaussures, sous l’œil intéressé de madame Gauffier, soulevait une petite trappe révélant une cachette qu’il aurait été difficile de découvrir. Il en prélevait une bouteille d’Armagnac encore fermée par un bouchon de cire intact.
- C’est quand même dommage de l’ouvrir aujourd’hui, monsieur Paul.
- Vous savez, les grandes occasions ne se présentent pas tous les jours. Je la gardais pour le retour de ma mère mais cela s’éternise de trop. Alors pas de regret, on l’attaque.
- Dîtes donc, monsieur Paul, vous n’allez pas me faire croire que vous avez fait cette cachette uniquement pour y mettre cette bouteille. Il doit bien y avoir autre chose.
- Il y a eu, mais il y a plus. Vous pouvez regarder.
Curieuse, comme toute femme peut l’être, madame Gauffier ne se fit pas prier deux fois et force lui fut de constater qu’il ne restait au fond qu’un lit de poussière.
- Monsieur Paul, donnez-moi un chiffon que je nettoie cela tout de suite.
- Pas question, cette poussière est utile.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que, madame la curieuse, puisque vous ĂŞtes maintenant dans certains de mes secrets, elle dissimule une seconde cachette que je ne peux pas vous montrer.
- Alors, vos visiteurs de tout à l’heure…,
- Allez donc savoir.

Madame Gauffier n’en tira rien de plus. Cette modeste femme de ménage venait tout à coup d’être dépassée par une situation à laquelle elle ne s’attendait pas du tout. Heureusement, les effluves remontant de la bouteille, enfin dégagée de son bouchon de cire, la sortirent de son état de stupéfaction.
- A votre santé, madame Gauffier, à la victoire et à la fin de cette vilaine guerre.
- Que Dieu vous entende monsieur Paul.
- Dîtes plutôt, que les hommes finissent par s’entendre.
Comme si ce vœu était un blasphème, au même moment, une sirène fit entendre son long et lugubre sifflement d’alerte à un bombardement.

Celle-ci passée, ils étaient remontés de la cave et s’employaient à remettre un peu d’ordre dans le foutoir laissé par les visiteurs.
- Dîtes, monsieur Paul, dit-elle pour rompre le silence qui ne lui convenait pas, vous pensez qu’ils peuvent revenir ?
- Je ne vois pas pourquoi mais tout peut arriver.
- A cause de cette deuxième cachette ?
- Madame Gauffier ! Je vous ai fait confiance, le mieux serait que vous oubliez cela. Sachez toutefois qu’il n’y a rien de répréhensible sur le pénal, tout au moins ; ça vous convient comme ça.
- C’est bien. Vous comprenez que je ne peux être mêlée à des situations dangereuses. Que deviendrait ma petite Gisèle toute seule s’il m’arrivait malheur.
- Il ne vous arrivera rien, soyez donc sans crainte.

Deux jours s’étaient écoulés depuis cette péripétie. Monsieur Paul avait repris ses activités pacifiques et madame Gauffier, de son coté, donnait maintenant l’impression de vouloir l’éviter. Elle ne lui posait même plus de questions. Paul ne s’en offusquait pas. Il s’était construit une vie d’ermite et il s’y sentait bien. Seulement, il demeurait inquiet, conscient que cette première visite pouvait en appeler d’autres, même si la première ne semblait pas pleinement justifiée.

Dans la rue de Normandie, la voiture était revenue mais les quatre hommes étaient restés en vain à l’intérieur. Plus aucun mouvement suspect ne s’était produit. Ils avaient fini par renoncer.

Chez monsieur Paul, la bouteille d’armagnac, parfaitement rebouchée, avait repris sa place, isolée par sa planchette bien ajustée sur laquelle trois paires de chaussures reposaient à nouveau.


***


Le mystère éclairci et le retour des parents

8 mai 1945. L’armistice mettait fin au conflit, laissant plusieurs nations dans un état de délabrement dans lequel l’Allemagne payait le plus lourd tribut.

Courbevoie, avait subit quelques dégâts. La plus proche bombe était tombée à l’angle du boulevard de la mission Marchand et de la rue Gautier, à trois cents mètres à vol d’oiseau du 71 de la rue de Normandie. C’était une des bombes larguées à l’aveuglette par un bombardier touché par la D.C.A allemande basée sur le réseau ferroviaire de la plaine de Nanterre. L’avion s’était écrasé sept cents mètres plus loin dans l’avenue de la République et l’un de ses moteurs était tombé dans le pétrin d’une boulangerie située à l’intersection de la rue de Normandie avec la rue des Fauvelles.

Madame Gauffier avait récupéré sa fille Gisèle et monsieur Paul recevait maintenant du courrier d’Amérique dont le dernier lui annonçait le retour de ses parents avant la fin de l’été. Depuis, il s’employait à remettre en ordre leur ancien appartement du premier étage, aidait en cela par madame Gauffier, mais cette fois sous rémunération devant l’ampleur du travail. Leur relation s’était améliorée depuis qu’il lui avait offert une splendide pendule de cheminée en remerciement de son intervention en 1942.

Août vivait ses derniers jours de soleil quand, un camion provenant du port du Havre, précédé par une voiture particulière aux chromes exagérés, s’arrêtait devant la grille du 71.
Alfred Napoléon Beauvais, extirpait ses cent quarante neuf kilos du véhicule, développant son imposante carcasse avant de se retourner pour aider son épouse à en sortir également.
- Ca y est Darling, dit-il avec un fort accent américain, nous sommes de retour chez nous mais le comité d’accueil n’est pas là. Tu crois que Paul a compris que c’était pour aujourd’hui.
Elle n’eut pas besoin de répondre. Débouchant de l’escalier, monsieur Paul, déplaçait ses courtes jambes torses sans pouvoir courir plus vite qu’un enfant de cinq ans.

La joie de ces retrouvailles, trop longtemps attendues, emplissait la rue de Normandie de cris, de pleurs et de rires confondus. Monsieur Paul, soulevé du sol entre les deux bras du colosse, semblait encore plus petit qu’il ne l’était en réalité. Tous les habitants de l’immeuble, tous les voisins proches, fêtaient sans retenue le retour des parents. Seule, la petite Gisèle apeurée, se tenait derrière sa mère, accrochée à sa jupe. La fête des retrouvailles aurait pu durer plus longtemps si le déchargement du camion n’avait pas nécessité les directives de monsieur Paul.


Quelques jours plus tard, sous les coups de midi, il frappait à la porte de sa voisine pour l’inviter à se joindre à ses parents et officialiser définitivement leur retour par l’ouverture de la bouteille d’Armagnac. Pendant qu’il disposait les verres et les petits gâteaux secs, il lui demanda :
- Madame Gauffier, puisque vous connaissez la cachette, vous pouvez aller me la chercher, s’il vous plait.
Ca faisait trois ans qu’elle espérait connaître le véritable secret de cette cachette et elle ne se fit pas prier deux fois. Les chaussures déplacées, la planchette retirée, elle extirpait la fameuse bouteille et retrouvait dessous la même couche de poussière. Monsieur Paul qui la surveillait d’un œil amusé lui proposait alors :
- Cette poussière ne me semble plus nécessaire. Si vous y tenez toujours, vous avez un chiffon à proximité, cela ne vous ennuierez pas de l’enlever.
L’offre était trop tentante pour ne pas être saisie tout de suite mais à sa grande stupéfaction, la poussière essuyée, rien dans le fond de la cavité ne permettait de révéler qu’il y eut autre chose.
- Alors, lui dit monsieur Paul, vous avez trouvé.
- Non, je ne vois rien.
- C’est qu’il n’y a rien !
- Et pourtant, vous m’aviez dit …..
- Oui, je sais, mais voyez-vous, dans ma pauvre vie je n’avais jamais pensé avoir une aventure comme celle que nous avons partagé. Nos visiteurs partis, j’ai tout de suite compris que mon existence allait de nouveau être triste et sans surprises. C’est vous, madame Gauffier, qui m’avez fourni l’occasion de la poursuivre. Il n’y a pas de deuxième cachette, juste un petit plaisir que je me suis fait. Vous ne m’en voulez pas ?
- Plus maintenant, monsieur Paul quoique vous m’ayez fait peur, mais ne gâchons pas le retour de vos parents avec nos petites histoires. La bouteille est ouverte, trinquons à leur retour.
- Et quand elle sera vide, renchérit monsieur Paul, je l’enfermerai à nouveau en ayant soin cette fois d’en fixer le couvercle définitivement.


Guy Tronchet alias Chibani

Djerba – mars 2008



Note de l’Auteur

Les lieux décrits dans cette nouvelle sont conformes à ceux de l’époque. Depuis, la création et l’extension du complexe de la Défense les ont englouti. Seul l’immeuble du 71 de la rue de Normandie existe encore.
Ils servent de base Ă  cette nouvelle purement imaginaire.

Tous les personnages mentionnés sont cités par leurs vrais noms. Ils reposent maintenant dans les cimetières communaux de Courbevoie et de Neuilly-sur-Seine sauf monsieur Paul qui, sur la fin de sa vie, a voulu vivre une autre aventure et repose désormais dans le grand cimetière de Tunis.
cyrael
Envoyé le :  9/1/2011 17:05
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83516
Re: La deuxième cachette


que de beauté en ce texte, qui relate un vécu réel!
pas facile , il en faut des références
pour obtenir un texte de qualité, avec autant
de précision.
que de temps passé, pour enfin obtenir
ce résultat. c'est

un chef d'oeuvre. qui ne passe pas inaperçu !

merci
pour les précisions en bas de ce magnifique récit.

amitiés GUY..

JOYEUX ANNIVERSAIRE CE JOUR
BISOUS poétiques

maryjo




----------------

Honore
Envoyé le :  10/1/2011 10:55
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: La deuxième cachette
Merci pour cette histoire absolument captivante que j'ai lue en retenant mon souffle jusqu'au terme si joliment amené.
HONORE
Chibani
Envoyé le :  14/1/2011 14:04
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La deuxième cachette
Citation :


cyrael a Ă©crit :


que de beauté en ce texte, qui relate un vécu réel!
pas facile , il en faut des références
pour obtenir un texte de qualité, avec autant
de précision.
que de temps passé, pour enfin obtenir
ce résultat. c'est

un chef d'oeuvre. qui ne passe pas inaperçu !

merci
pour les précisions en bas de ce magnifique récit.

amitiés GUY..

JOYEUX ANNIVERSAIRE CE JOUR
BISOUS poétiques

maryjo





Comme je l'ai dit, ce petit immeuble existe toujours dans cette rue de Normandie de Courbevoie. Il est de plus en plus sous l'ombre des immeubles et des multiples tours qui n'arrĂŞtent pas de grandir dans ce secteur.

Mes références, c'est là que je les ai trouvées car j'ai vécu dans ces murs pendant 10 ans, à partir du mois d'août 1943, époque à laquelle mon père a eu le bon goût de m'abandonner en zone occupée.

Alfred Napoléon Beauvais est décrit tel qu'il était, imposant mais brave homme avec un cœur en or. C'est le deuxième époux de la grand-mère de mon épouse, monsieur Paul étant de ce fait son oncle.

Voilà pour la petite histoire Maryjo. Mes références sont donc tout simplement ma mémoire de 10 à 12 ans.

Bises amicales. GUY
Chibani
Envoyé le :  25/5/2011 17:57
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La deuxième cachette

Citation :

Honore a Ă©crit :
Merci pour cette histoire absolument captivante que j'ai lue en retenant mon souffle jusqu'au terme si joliment amené.
HONORE



Très gentil Honoré d'honorer ainsi ma petite nouvelle qui commence à prendre de l'âge.

Je l'ai réduite aux passages concernant mes héros, éliminant le sifflement des bombes que les avions lâchaient au hasard quand la DCA touchait malheureusement l'un d'eux.

Amitiés. Chibani
Sybilla
Envoyé le :  5/9/2021 22:07
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95268
En ligne
Re: La deuxième cachette
Bonsoir Guy,

Quelle belle histoire que tu nous as conté !



Belle soirée!
Amitiés
Sybilla


----------------
Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rĂŞve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

ZAGHBENIFE
Envoyé le :  8/9/2021 22:26
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 7/11/2015
De: ALGER
Envois: 33513
Re: La deuxième cachette
une belle histoire captivante que j'ai eu plaisir à lire, malgré que mes yeux me font mal lorsque je fixe trop l'écran
merci Guy


----------------
https://www.edilivre.com/peregrinations-29f53ef39f.html/
https://www.edilivre.com/le-spleen-de-la-logique-de-l-absurde-2c490d0b23.html/

Chibani
Envoyé le :  29/9/2021 12:06
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La deuxième cachette


MERCI À VOUS, SYBILLA ET ZAG.

L'immeuble existe toujours au 71 rue de Normandie.
C'est dans sa cour qu'en 1944, après la libaration de Paris que j'ai connu celle qui est devenue mon épouse.

L'immeuble, qui chapeautait avant cette zone pavillonnaire, vit depuis Ă  l'ombre des tours de la DĂ©fense et de ses environs.

Je n'y suis pas retourné depuis 15 ans.




----------------
.

messager
Envoyé le :  3/10/2021 12:09
Plume d'argent
Inscrit le: 1/4/2009
De:
Envois: 358
Re: La deuxième cachette

U n récit qui nous tient en haleine jusqu'au bout ! Bravo !
Chibani
Envoyé le :  23/4/2023 12:35
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12087
Re: La deuxième cachette

compte
Editer son compte
Notifications
Messages (2)
DĂ©connexion
NOTRE SITE
** A C C U E I L **
* REGLES & USAGES *
Manifeste
Livre d'or
Rubriques
Exprimez-vous !
Littérature
Vos poèmes
Poèmes à plusieurs
Poèmes à écouter
Poèmes d'auteurs
Lettres d'amour
Prose
Contes et nouvelles
Jeux poétiques
Citations
Blagues & devinettes
Musique
Vos musiques & chansons
Musiques et Chansons célèbres
Vos classiques
Arts Plastiques
Créations artistiques
Photographies
Vidéos
Divers
Partages Oasiens
Concours
Poèmes à thème libre
Poèmes à thème
Citations
Coups de coeur des membres
Nominés
Concours
Libre
A thème
Citations
Coups de coeur
De l'Ă©quipe
Des mascottes
Des membres
FĂŞtes
FĂŞtes oasiennes
Petites annonces
Ventes
Achats
Services
Divers
Nos Artistes
Présentez-vous !
Vos blogs perso
Vos réalisations
Vos illustrations
Vos recettes
Vos cartes postales
Vos photos
Hommages
A NELLYFEE
A ANNIE
A HONORÉ
A DUMNAC
A SHOVNIGORATH
A LUTHORIENTAL
A VIKTHOR
A KERABAN
A BAGUETTE
Nos services
Prosodie
Foire aux questions
Forum du site
Qui est en ligne
90 utilisateur(s) en ligne (dont 85 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 5
Invité(s): 85

Chibani, Vivelle, Parceval, khalil30, Ancielo, plus...
Choisissez
moi
Dictionnaires
Français
Conjugaison
Synonymes
Noms propres
Rimes
Inversé
Poétique
Prosodie
Citations
Multilingue
COMPLET
Correcteur d'orthographe
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright

Re: La deuxième cachette

par messager le 3/10/2021 12:09:16


Un récit qui nous tient en haleine jusqu'au bout ! Bravo !


Je viens de le lire comme si je le découvrais... et j'ai revécu quelques années de mon enfance.

Un peu tard pour te remercier Messager mais le cœur y est.
Bien Ă  toi . GUY










messager a Ă©crit :

U n récit qui nous tient en haleine jusqu'au bout ! Bravo !
Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster