Plume d'or Inscrit le: 15/8/2010 De: Orléans Envois: 1611 |
Récit de voyage (Police no good) L'apartheid à Cap-Town Dans les années soixante, il était très difficile, voire impossible de revenir à bord avec une jeune fille de couleur, car la police veillait et les rondes autour des navires à quai étaient fréquentes. Nous devions user de toutes les astuces possibles pour parvenir à nos fins, et neuf fois sur dix, on y arrivait. Il n'était pas rare d'avoir à bord un garçon, un aide cuisinier, même un matelot de couleur, ce qui était très pratique, vous le verrez pour la suite du récit. Dès qu'un navire accostait au Cap, une fois la manœuvre terminée, la personne de couleur assurait sa mission, à savoir: descendre à terre, faire du rabattage, c'est-à -dire chercher dans les quartiers appropriés, des jeunes femmes disposées pour monter à bord,... assurer le repos du guerrier. Une fois le filon trouvé, il revenait à bord, avec une invitée, et repartait bien vite pour une deuxième... livraison. Trois, quatre, quelques fois plus, ces "assistantes sociales"* une fois à bord ne craignaient plus rien, car le bateau étant territoire français, personne n'avait le droit de venir y mettre son nez. Vous dire, lorsque nous avions deux, et même trois marins de couleur, quelle gente féminine ils pouvaient ramener en une soirée ! Les autorités portuaires étaient au courant de ce "trafic", la fille, une fois à bord avait le droit de faire ce qu'elle voulait, mais elle devait faire attention en quittant le bateau de ne pas se faire épingler pour un motif futile, car elle risquait gros. Il arrivait parfois, que la police envoyait à bord des mouchards dont la mission consistait à repérer des filles, les identifier, pour une fois à terre, les embêter et se venger de ne pas les avoir coincées officiellement à bord. Tout le monde était au courant de "ces méthodes", et chacun faisait bien attention à ce qu'il faisait, et surtout aux personnes qu'il croisait dans les coursives. Une nuit donc, dans ma cabine, en compagnie d'une charmante jeune femme, on frappe à ma porte. Pas une frappe d'habitué (entre collègues, nous avions un code), une frappe d'étranger, sévère, autoritaire, pressante. Ma compagne, au courant de ce qui l'attendait éventuellement si elle était prise dans ce genre de situation, est morte de peur et se cache sous les draps en tremblant. Me levant d'un bon, je me dirige vers l'entrée. Je ne sais pas quelle tête j'avais en ouvrant la porte, mais en me voyant, la personne qui se trouve en face de moi recule et me lance. -" Me no police, police no good". Ma conquête d'un soir, reconnaissant la voix, me cria de ne rien faire, et m'explique que le visiteur n'était autre que son souteneur, venu prendre des nouvelles de sa protégée. L'individu (un chef douanier, rien que cela), me raconte avoir eu la trouille de sa vie, car mon visage reflétait toute la haine que pouvait ressentir un homme pris sur le fait, qui risquait des représailles de la justice du pays. Je n'osais lui avouer que, dans ma tête, me voyant pris, mon intention était de l'assommer, et une fois en mer, jeter le corps par dessus bord (qui a dît que les marins étaient des enfants de chœur ?). Quant à la fille, elle risquait de finir ses jours dans les prisons de l'État. Tout se termina donc bien encore cette fois-ci. *Assistantes sociales, mot donné aux prostituées, car elles font du bien au marins.
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