Plume d'or Inscrit le: 15/8/2010 De: Orléans Envois: 1611 |
Récit de voyage (Les canettes volées) S/T Magdala*, en route pour le Golfe
Le Magdala, pétrolier géant de la société maritime Shell, était très bien équipé. Dans les coursives des officiers, disposées par endroits, des fontaines réfrigérantes nous permettaient soit de nous désaltérer, soit de laisser dans le petit compartiment situé au-dessous, des boissons variées qui, en quelques minutes, étaient assez fraîches pour être consommées.
Mais voilà , ces trésors de fraîcheur étaient la convoitise de tout le monde et rares ceux qui ne s'en faisaient pas dérober.
Un jour que je faisais ma ronde d'éclairage dans cette fameuse coursive, le Second capitaine m'aborde.
-"Justement Renard, vous tombez bien, voilà ce que je voulais vous demander".
Et il se met à me raconter que c'est inadmissible, que ces propres canettes de bière, à lui un officier supérieur, sont volées presque sous ses yeux, que s'il trouvait le coupable, cela irait très mal pour lui.
Il me demanda si on ne pouvait pas faire un système d'alarme qui mettrait en route un klaxon dès que la bouteille serait volée. Que de toutes façons, à partir de maintenant on allait voir ce qu'on allait voir, car j'ai fait des croix sous mes canettes, au feutre, et comme cela, dès que je verrai quelqu'un avec une boisson, il me suffira de voir en-dessous si elle ne m'appartient pas; non mais sans blagues.
Il me soûlait de ses paroles, et je ne savais vraiment pas comment m'en débarrasser quand le Commandant, dérangé par le discours de son Second, sort de sa cabine et nous demande ce qui se passe. De peur que le Second capitaine ne recommence son verbiage, je veux prendre la parole, mais le pacha m'arrête.
-"Il fait soif, messieurs, vous ne trouvez pas?, attendez, j'offre ma tournée ".
Il disparaît dans ses appartements et en ressort avec trois boissons.
-"A votre santé", et il lève le coude. Au fur et à mesure que son bras se levait, oh surprise, j'apercevais au cul de sa canette la fameuse croix au feutre, prouvant qu'elle appartenait bien au Second capitaine qui, voyant comme moi, n'osait rien dire.
Mais comment accuser de vol son supérieur hiérarchique, seul maître à bord après Dieu qui, régnant en souverain, se donnait le droit de disposer du bien d'autrui.
Le Second, en bon officier, formé à subir la loi du plus fort, garda cela pour lui et plus jamais ne me parla de disparition de canettes.
*S/T Magdala, les pétroliers de plus de 100 000 tonnes sont appelés Super Tanker. (S/T)
|