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     Récit de voyage (La marine marchande en quelques lignes)
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Expéditeur Conversation
momolemarin
Envoyé le :  22/10/2010 12:09
Plume d'or
Inscrit le: 15/8/2010
De: Orléans
Envois: 1611
Récit de voyage (La marine marchande en quelques lignes)
Je ne recommencerais pas à décrire le système de recrutement qui est déjà expliqué dans le récit "Relève d'équipage".
Considérons que toute le relève est à bord, nous voici donc avec un équipage complet, pas plus de trente personnes du mousse au Commandant, pour être ensemble quelques mois.
Nous formons à nous tous une communauté, avec ses règlements, sa discipline, le travail que chacun doit fournir suivant son grade, sa qualification ou sa fonction à bord.
Notre but? Transporter d'un point à un autre du globe une quantité de marchandises diverses commandées par certains, envoyées par d'autres, livrées par nos soins.
Des routiers de la mer en quelque sorte. Mais au lieu de quelques dizaines de tonnes de fret dans un camion acheminées par un ou deux types en quelques jours sur les routes de France ou de l'étranger, nous sommes trente, nous transportons jusqu'à cinq-cents quarante mille tonnes de pétrole brut en trente jours, du golfe Persique à la France, ou encore plus loin.
Dès cet instant, plus aucune comparaison avec nos routiers qui, de temps en temps, s'arrêtent soit pour manger soit pour dormir.
Pour nous, c'est un autre monde, on ne s'arrête jamais, on mange et on dort à bord. Ce qui explique les trente personnes.
Certaines, préposées aux cuisines, ne font que cela. Le maître d'hôtel, en plus de l'intendance, est responsable du linge. D'autres, les matelots, avec leur chef le bosco, entre deux manœuvres d'arrivée ou de départ du navire, grattent, peignent le bateau sous toutes ses coutures.
Le personnel-machine entretient la partie mécanique et fait avancer le bâtiment. Les officiers-pont commandent les hommes du pont (matelots); ils sont aussi responsables du chargement ainsi que du bon déchargement des marchandises. Pour finir, les officiers-machine commandent le personnel de l'équipage du même nom.
Tout le monde ayant sa propre cabine, on se retrouve totalement indépendant les uns des autres. Et, pour comparer cette demeure à sa maison, chacun y vit comme il serait à terre. Le matin, il embauche à l'heure qu'on lui a indiquée, sur le lieu de son travail, le midi, il mange avec ses collègues, au restaurant du bord, l'après-midi, on retourne au boulot jusqu'à la débauche du soir où, soit que chacun se retire dans ses appartements avant le dîner, soit que des petits groupes se forment au bar ou dans une cabine, on parle pays, chasse, pêche ou filles comme n'importe qui le ferait à terre, au bistrot du coin.
Sauf que pour nous, le bistrot du coin, le restaurant, les chambres de chacun et le lieu de travail flottent sur l'eau, et avancent. C'est la seule différence.
Parlons logement. Du novice au matelot qualifié, en passant par les graisseurs de quart et les garçons de cuisine ou d'officiers, une charmante petite cabine d'environ trois mètres sur deux, avec tout le confort: petit frigo, coin douche avec W.C., bureau, et surtout, le renvoi par haut-parleur de la radio dans chaque meuble de chevet (l'officier-radio, responsable de la sono, nous assurait au passage de chaque pays longé par ses côtes des programmes locaux). Radio France international, étant capté dans le monde entier, nous arrivait également à chaque instant à la tête de notre lit.
Les maîtres (d'équipage, graisseur, électricien, et le Maître d'hôtel), bénéficiaient d'un petit supplément de surface de logement, ainsi que d'un petit coin salon.
Encore meilleure pour les officiers, qui eux, en plus de nous, "les maîtres", avaient un bureau et un coin-salon séparé de la chambre proprement dite.
Quant aux officiers supérieurs (Commandant et second capitaine), ils avaient droit carrément à des appartements somptueux, dignes de nos plus belles suites dans les hôtels les plus riches de France.
Parmi eux, seul le radio, privilégié, avait sa suite attenante à son local radio pour pouvoir à tout moment du jour ou de la nuit faire des vacations radio avec ses correspondants.
Ajoutez à cela, sur les gros pétroliers, une bibliothèque, une piscine, une salle de cinéma et vous aurez un aperçu de notre petite vie de marin.
Une télévision complétait souvent le décor et, grâce à une antenne rotative équipée d'un préampli puissant, pratiquement chaque soir nous avions un programme alléchant.
Si la réception ne pouvait être correcte, un magnétoscope prenait la relève, et un choix très important de films ou de documentaires nous assuraient une bonne soirée. Pour mon cas personnel, quand ce n'était pas une soirée télé, je faisais la razzia à la bibliothèque et je ne m'endormais jamais avant la fin d'un livre commencé le soir même.
J'ai dévoré de la sorte tous... les San-Antonio, les Coplan, des centaines de Série noire, ainsi que toutes les autobiographies de ceux qui avaient pris la peine de les écrire.
Différents aussi les congés, les repos hebdomadaires. A bord, rien de tout cela. Dès que chacun franchit la coupée et se retrouve à bord, il est disponible tout le temps
Les graisseurs, avec leurs quarts à la machine, font les trois quatre. Quatre heures de travail, quatre heures de repos et quatre heures de sommeil.
Votre serviteur, huit heures de travail à la machine, avec des variantes, car, étant le seul électricien à bord, tout, je dis bien tout l'appareillage qui possède un fil pour le raccorder à une prise de courant était pour ma pomme dès que c'était en panne.
Cela commençait par l'alternateur principal produisant le courant à bord. Groupe de dix mètres de long sur quatre de large et trois de haut. 11 nous fabriquait un courant continu de mille ampères sous trois-cent quatre-vingts volts. Un deuxième groupe de secours, obligatoire, de moindre puissance, en cas de faiblesse du premier ou d'un arrêt prévu pour une visite programmée, alimentait en priorité les organes de propulsion de la machine, ainsi que des éclairages et les équipements de la cuisine.
Ensuite venaient tous les moteurs constituant la machine proprement dite. Une pompe, un moteur, une extraction, un moteur, une ventilation, un moteur. La séquence automatique de ramonage de la chaudière, plein de moteurs. Partout il y en avait partout.
Une fois, j'en ai dénombré cent-quatre-vingts, depuis le plus petit de un quart de cheval (à peine deux cents watts de puissance) qui servait pour la pompe de remplissage de la caisse à eau de mer journalière servant à fabriquer notre eau douce, jusqu'au plus gros, un monstre de deux tonnes, servant d'extracteur de l'air vicié de la machine.
Tous ces moteurs alimentés en courant continu étaient conçus avec des charbons alimentant le rotor. Qui dit charbons, dit usure normale, donc visites fréquentes et, vu le nombre important de moteurs, lorsque le dernier était visité, il fallait recommencer au premier.
On continue par les équipements électriques de chaque cabine, des cuisines, des fours, des chambres froides, des salons, des salles-à-manger où de grands lustres ornaient les plafonds.
Les vibrations continues d'un bateau en mouvement faisaient que sur la quantité des éclairages du navire, une dizaine d'ampoules grillait chaque jour.
Je ne vous raconte pas le stock important qu'il nous fallait au départ de France car, aux escales/ nous n'étions pas certains de trouver l'équivalence de nos modèles d'ampoules et de projecteurs.
Il y avait aussi la passerelle où toutes les commandes de la machine sont rassemblées sur un synoptique: grand panneau de dix mètres de long, sur deux de haut, bourré de contacteurs, de relais, de boutons-poussoirs et de voyants lumineux.
De cet endroit, un seul homme pouvait contrôler et diriger toute la machine, située trente mètres plus bas, comme s'il y était.
Finissons enfin par le pont avec tous les projecteurs éclairant l'ensemble car, les chargements et les déchargements se faisaient aussi bien le jour que la nuit et nous devions dans ce dernier cas voir comme en plein jour.
Seuls les équipements de navigation à la passerelle étaient le domaine du radio, car trop sophistiqués et vitaux, il fallait que ce soit un officier qui en soit le responsable.
Je n'avais donc pas le temps de m'ennuyer car, les visites programmées des moteurs, les projecteurs à tenir en état avant chaque arrivée à un port et les imprévus dans les cabines ou les salons, mes huit heures journalières étaient plus que dépassées.
Mes heures de repos n'étaient donc que symboliques, parce que dès qu'une panne arrivait ou qu'un petit problème électrique tracassait les officiers-pont ou machine, un simple coup de fil, et, à n'importe quelle heure de la nuit, dimanche ou jour férié, il fallait répondre présent, et foncer au travail,
Alors que maintenant, à terre, on ne me dit plus bon à grand chose, ou incompétent pour la tâche que l'on me donne (petit courrier doux à l'appui), je sourie et me réserve un droit de réponse dans un prochain livre, qui aura pour thème:
"La bêtise humaine au sein d'une entreprise, source inépuisable d'écrits".
Mais restons encore à bord un petit instant si vous le voulez bien.
Seules les escales nous permettaient de quitter un peu le bord et de changer d'air, tant que nous n'étions pas de manœuvre ou de garde.
En plus de ce dur labeur que chacun devait fournir, imaginez chers lecteurs, le mauvais temps, les tempêtes, le roulis ou le tangage quasi permanent dès que nous étions en haute mer et vous auriez un aperçu total de la vie de trente individus partis au bout du monde pour vous ramener toutes sortes de marchandises de première nécessité.
Au sujet du mauvais temps en mer, voici d'ailleurs quelques explications complémentaires qui en étonneront plus d'un.
Les gros pétroliers de plus de cent mille tonnes ont un tirant d'eau de près de trente mètres. Cela veut dire que, allège (vide de chargement), la coque dépasse de plus de trente mètres hors de l'eau mais, une fois pleine de son chargement, cette même coque s'enfonce à plus de trente mètres sous l'eau.
Quand je vous aurais dit que les lames de fond (courants sous-marins) se forment à environ vingt-cinq mètres sous le niveau de la mer, vous comprendrez tous que, notre bateau, surtout par mer calme (plus la mer est calme au-dessus, plus les fonds marins sont déchaînés), était sapé à la base de la quille et, suivant la puissance de ces fonds-marins, le navire roulait bord sur bord, alors qu'une autre embarcation, plus petite, n'atteignant pas les courants sous-marins, ne bougeait absolument pas.
A l'inverse, dès que la mer commençait à grossir (en toute logique, à ce moment, les fonds-marins se calmaient), notre masse imposante nous épargnait le balancement, alors que les autres plus petits risquaient de chavirer.
Quelquefois, par gros temps dangereux pour certains, nous leur servions de digue et, s'abritant contre nous, ils rentraient ainsi au port sous notre protection.
Une chose aussi que les non-navigants ne peuvent imaginer, c'est qu'un navire lancé à pleine vitesse, soit à vingt-cinq nœuds (un tout petit peu moins de cinquante kilomètres à l'heure), avait besoin de quatorze kilomètres pour s'immobiliser entièrement. Ce chiffre est à diviser par trois si, en plus de stopper la machine (qui aura donc besoin de cette distance pour glisser sur son aire), l'ordre était donné de faire machine arrière toute. Avec, par contre, le risque de casser quelque chose dans la machine, car les vibrations engendrées par cette manœuvre étaient très dangereuses.
Fin de la visite guidée, tous les civils à terre, nous appareillons dans quelques minutes pour le golfe Persique.
Cette vie, différente de celle vécue à terre, pleine d'anecdotes, de petites choses tristes ou amusantes, aura nécessité deux livres pour vous en raconter les meilleurs moments.

Merci de m'avoir si bien écouté et, à dans deux mois, au retour du Golfe.
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