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     L'étreinte (Les amours particulières)
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Expéditeur Conversation
njb880
Envoyé le :  12/9/2010 18:33
Plume de soie
Inscrit le: 28/12/2009
De:
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L'étreinte (Les amours particulières)
Allongés nus sur les draps rouges du lit, Adrien caresse du bout des doigts le dos de Pierre tout en admirant l’étrange décoration. Il se lève et se tient debout au milieu de la pièce. Sur les murs blancs de la chambre, des portraits sont alignés. Ils forment comme un cercle, ils sont tous à équidistance les uns des autres d’à peine quelques centimètres.

Adrien fait plusieurs tours sur lui-même. Audrey Hepburn, Romy Schneider, Marlene Dietrich, Marilyn Monroe, Greta Garbo, Isabelle Adjani, Liz Taylor, Katharine Hepburn, Bette Davis, Liza Minelli, Judy Garland, Gena Rowland, Catherine Deneuve, Sophia Loren, Brigitte Bardot, Rita Hayworth, Lana Turner, Grace Kelly, Jeanne Moreau… Des portraits en noir et blanc de grandes actrices. S’il n’en connait que quelques unes, elles lui paraissent toutes belles, fragiles, sensuelles. Face à la porte de la chambre, il manque un portrait.

Sous l’effet visuel de ces cadres, ici, tout semble plus bas : le lit est un matelas posé par terre, les vêtements et les chaussures sont entreposés sur des étagères basses juste à côté de la cheminée en marbre sur laquelle sont posés des livres et des cahiers à spirales.

« - Il t’en manque une ?
- Oui. Je ne trouve pas la photo que je voudrais.
- De qui ? demande-t-il. »

Pierre se lève et va rejoindre Adrien dans ce voyage cinématographique. Il se place derrière lui, passe ses bras autour de son corps et pose ses mains sur les épaules nus du jeune homme.

« - Je ne sais pas vraiment, dit-il hésitant. »

Adrien se retourne vers Pierre et l’embrasse. Pierre lui rend son baiser en posant ses mains sur le visage d’Adrien. La tension dans les doigts de Pierre est immensément palpable. Adrien les lui fait poser sur son torse. Il le soulève ensuite pour l’emmener jusqu’au lit échoué sur le sol glacé. Lors de l’étreinte intense des deux corps et seulement pendant quelques secondes, Pierre n’a plus touché terre. Il a cessé d’embrasser Adrien pour seulement être embrassé par lui. Il ne bougeait plus, comme prisonnier de cette force : conscient, les yeux écarquillés mais le corps arrêté, la bouche entrouverte. Pendant le court voyage jusqu’au lit, il a observé, scruté le regard énigmatique d’Adrien dans lequel il pouvait lire le désir.

Couchés sur le lit, ils s’embrassent, se caressent, se chassent, se lovent. Dans cette douceur, Pierre fait prisonnier Adrien entre ses cuisses. A ce moment-là, Adrien s’est senti comme Pierre quelques secondes auparavant. Pendant que Pierre passe sa main dans ses cheveux et se jouait de leurs langues, il ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire. Un sourire que Pierre lui a rendu.

Dans le millième retournement des corps sur le tissu rouge, Pierre embrasse et arpente le corps d'Adrien avec sa bouche et sa langue. D’abord, le cou et les veines saillantes au creux desquels le sang afflue en masse ; ensuite le torse et les tétons durs comme de la pierre sous les effets d’un désir irrépressible ; le nombril et le ventre qui se contracte frénétiquement ; puis le sexe, poilu, raide, écarlate. Pierre ne pût s’empêcher de penser au petit slip de coton blanc de Duras. S’il en avait eût un, il l’aurait arracher comme l’avait fait l’amant de la Chine du nord. Adrien se tient aux épaules de Pierre comme pour ne pas tomber, ne pas fléchir sous les assauts d’un vent mauvais. Alors, Pierre lui tend une main que le jeune homme ne refuse pas, qu’il attrape, qu’il caresse puis qu’il sert de toute ses forces pour ne pas écourter l’étreinte.

Faisant le chemin inverse, Pierre atteint la bouche humide puis le front fiévreux d’Adrien. Il se décale, reste sur le ventre et s’offre à lui corps et âme. Il pose contre son torse un oreiller alors qu’Adrien se lève pour aller jusqu’à la salle de bain. Pierre se met sur le côté : la tête posée sur sa main, une jambe légèrement fléchie. Il pose en star de cinéma.

« Premier tiroir ! lance Pierre. »

En faisant les quatre pas qui séparent la salle de bain du lit de fortune, Pierre regarde cet homme nu dans sa chambre : le corps frêle mais capable d’une grande force, la peau blanche et imberbe, les cheveux en bataille, les longs yeux clairs perdus dans un millier de cils noirs et épais, la tâche de vin dans l’aine, le sourire asymétrique qu’il avait remarqué au premier regard…

Il se couche face à lui et enfile le préservatif en regardant Pierre dans les yeux. Adrien prend place. D’une main, il guide son sexe plastifié et de l’autre il masse la nuque raide de Pierre. Ce dernier sert plus fort le coussin contre lui et pousse un râle presque inhumain. Adrien pose son front entre les omoplates de Pierre en s’activant lentement, avec tendresse.

Dans la pièce immaculée, la chaleur est intense. Dehors, Jeanine a enfilé son vieux par-dessus pour nourrir ses chats tandis que la mère célibataire américaine du troisième sort avec ces enfants pour les emmener à l’école. Derrière la porte cochère, la rue des bois de la Thuringe est plongée dans la grisaille de la fin octobre.

Adrien embrasse Pierre qui a lâché prise déjà depuis quelques minutes. Sur son front, la sueur forme quelques gouttes, mouille l’orée de ses cheveux et s’échoue à la jointure des deux paupières. Désormais sur le sol, les deux hommes se font faces : les torses en contact, les mains de Pierre sur les fesses d’Adrien, comme pour le pousser plus loin en lui.

Le corps ne faisant désormais qu’un, Pierre explose et pousse des gémissements. Il s’accroche de toute ces forces en serrant ses bras autour du cou d’Adrien , la tête posée sur le matelas. Adrien tient Pierre entre ses doigts. Essouflés mais heureux, ils jouissent ensemble.

Les deux hommes couchés sur le sol reprennent leur respiration après cet intense étreinte. Pierre vient se blottir contre le corps humide d’Adrien.

« - J’ai faim, dit Pierre en souriant. »

Adrien n’a pas pu s’empêcher de rire et Pierre de le suivre dans ce fou rire. Il l’embrasse, se lève, passe la porte et se dirige vers l‘autre pièce. Debout au milieu du semblant de cuisine, il fouille un peu partout pour trouver de quoi préparer à manger à Pierre. Il trouve un paquet de pâte. Avec un peu de beurre, cela devrait faire l’affaire. Assis sur le rebord de la fenêtre de la cuisine-salon-salle à manger de quinze mètres carrés, il songe à l’amour qu’il venait de faire, au désir, au bonheur de faire l‘amour à quelqu‘un que l‘on désir plus que charnellement. Il pense à Pierre, couché sur le lit, fumant une cigarette et reprenant apparence humaine après tout ça. Lui, il attend que l’eau bouillent. Frileux, il enfile une veste trouvée sur le canapé. Regardant par la fenêtre qui donne sur la cour, il observe le vieux garçon qui vit sur le même palier que Pierre. Dans sa veste de tweed et son pantalon en velours côtelé, il soulève son feutre noir pour saluer Jeanine qui passe un coup de balai.

Une bouteille sous le bras et une assiette dans chaque main, Adrien s’assoit à côté de Pierre qui le remercie pour le repas.

« - Alors, c’est qui celle là ? demande-t-il en pointant son menton vers un des portraits.
- Laquelle ?
- La brune qui ne sourie pas.
- Judy Garland ?
- C’est quoi son histoire, dit-il en mangeant une fourchette de pâtes.
- C’est Dorothy du magicien d’Oz. Elle est la première interprète d’Over the rainbow, dit-il en chantonnant les deux premières phrases de la chanson. On dit que c’est ça mort qui a provoqué la révolte de Stonewall à New York lorsque la police a fait une descente dans un bar gay.
- Et celle d‘à côté ?
- Audrey Hepburn : c'est Sabrina, cinq oscars, elle a arrêté sa carrière en 1967 pour se consacrer à sa mission d'ambassadrice pour l'ONU. »

Silence.

« - Mais dis-moi, tu connais qui sur ce mur ?
- Marylin Monroe, Liza Minelli et les françaises. Et toi, c’est laquelle ta préférée ?
- Celle qui manque évidemment, dit-il en riant. Non, plus sérieusement, j’ai un faible pour Adjani, Romy Schneider et Marilyn Monroe.
- Pourquoi ?
- Adjani, parce qu’elle n’a pas voulu faire de concessions pour sa carrière. A partir d’un moment, elle n’a fait des films que lorsqu’elle savait qu‘elle y serait la meilleure. Marilyn Monroe et Romy Schneider, c’est pour la tragédie. Je ne sais pas ce qui les a tués. Romy avait besoin de justifier son passé et Marilyn a voulu oublier le sien. Je crois que c‘est-ce qui les a tués…
- Tu es surprenant, le coupe-t-il dans son exposé.
- Merci, tu es pas mal non plus.
- Et toi, ta préférée ? demande Pierre.
- Je n’en connais aucune. Mais je dirais celle-là, là-bas. Celle qui ne regarde pas l’objectif. C’est la plus belle, je trouve.
- Rita Hayworth ? C'est Gilda, elle a été la femme d’Orson Welles. Il a dit d’elle « Peut-être vivrais-je si longtemps que je finirai par l’oublier ». C’est beau de dire ça de quelqu’un. Elle l’a oublié, elle. Elle avait la maladie d’Alzheimer. »

Adrien tourne en rond dans l’appartement pendant que Pierre prend une douche avant de se rendre à la fac. Passant devant la cheminée, il regarde les livres exposés : Marguerite Duras, encore et toujours, Les quatre fille du Docteur March et le prix Goncourt des cinq dernières années. Parmi cela, cinq ou six calepins à spirales. Il en ouvre un. Une écriture de fille a noircie les pages. Une écriture ronde, sans ratures, sans fautes apparentes et qui ne semble pas avare de points, de virgules, de points de suspensions, de points-virgules. Il y a une date au début de chaque paragraphe.

Lorsque Pierre revient de sa douche, Adrien est couché à plat ventre sur le lit en train de lire.

« - Je dois aller à la fac, tu as pas cours aujourd’hui ?
- Si mais je sèche, dit-il en continuant sa lecture.
- Tu lis quoi ?
- Un de tes bouquins… »

Pierre, à moitié habillé, se précipite près de lui.

« - Tu es vraiment fan de Duras, dit Adrien toujours plongé dans les premières pages de son livre. »

Pierre se rassure en regardant la couverture du livre que tient Adrien entre ces mains : La maladie de la mort.

« - Je ne suis pas fan, Marguerite Duras c’est pas un groupe de rock. Je suis un admirateur de son œuvre. »

Pierre finit de s’habiller en vitesse pour ne pas rater le tram. Il laisse l’appartement désert à Adrien qui s’empresse de poser son livre au profit d’un des calepins de Pierre.

18 juillet, j’ai enterré un ami aujourd'hui. J’ai penché la tête vers ce trou et j’ai remarqué qu’il était de la taille du manque qu’il pouvait y avoir dans ma vie. Je le connaissais mal cet ami mais il l’était quand même. A-t-on besoin de connaître les gens sur le bout des doigts pour se rendre compte à quel point on les aime quand ils partent ? Non, enfin moi je ne crois pas. J’ai la vie à perte de vue. J’ai un avenir moi. Voilà ce que je trouve injuste, c’est que j’ai un avenir et pas D. Je me sens coupable. Coupable. Coupable de pleurer autant que les gens qui le connaissaient plus que moi et coupable de sourire quand la peine est plus légère. Je ne sais pas pourquoi la peine ne part pas comme elle vient : violemment. J’ai de la peine car j’ai enterré un ami aujourd'hui.

Pierre n’avait parler que brièvement de David. Il savait que c’est-ce qui l’avait « fait fuir » comme il disait. Adrien comprenait cette peine. Perdre quelqu’un pour qui ce n’était pas le tour, c’est-ce qu’il y a de pire au monde. A l’incompréhension, se mêlent colère et déni.

Comme un roman, Adrien reprend les passages, accole les dates, feuillette un calepin puis l'abandonne au profit d’un autre. Aucune année n’est mentionnée. Assis au milieu des carnets ouverts, il fume et lis et relis sans cesse.

25 août, je me suis senti seul aujourd'hui. Je me suis rendu compte qu'on était seul. Tout le temps, seul. Comment faut-il vivre dans ces cas-là ? Faut-il vivre pour soi ou pour les autres ? J'ai toujours eu l'impression que je vivais pour les autres et que je ne pensais jamais à moi. Je me trompe peut-être. A force de croire que je ne suis pas un homme égoïste, sans doute que je le suis devenu, égoïste. Je n'en sais rien. Les gens autour de moi me voient-ils ? Est-ce que je les vois, moi ? Je m'imagine toujours que leurs vies est plus simple que la mienne. J'ai tout faux. Nous sommes seuls dans notre vie, nous ne pourrons jamais être plusieurs pour faire face aux difficultés qui s'imposent à nous. Tout le monde est seul alors je me suis senti seul aujourd'hui.

Il retrouve le Pierre de cette nuit sur la plage. Celui qui excuse, celui qui pardonne tout, à tout le monde mais jamais à lui-même. Il est si dure envers lui, songe-t-il soudain. Tout le monde pense être la personne la plus malheureuse du monde au moins une fois dans sa vie. C’est humain et Pierre fait partie de cette race et doit s’en sentir digne.

Pierre écrit sur sa mère, sur Estelle, sur la vie, sur tout. Une année est collectée dans ces cahiers d’écolier. Adrien cherche. A-t-il laissé la trace d’un amant, d’un homme qui serait resté plus longtemps que les autres ? Il trouve seulement ce M, que Pierre n’a vu qu’une fois mais dont il semblait très amoureux. Et puis, il y a le premier, l’inconnu. Pierre n’en dit que du bien mais il n’a pas de prénom ou d’initial comme les autres personnes de ses romans personnels.

Adrien n’a jamais rencontré Estelle. Pierre lui en parle souvent évidemment. Il a bien compris que c’était quelque chose d’étrange qu‘il y avait entre eux. Pierre disait que c‘était le destin qui les avait réuni et que s‘ils devaient être séparés, ce serait le destin qui les retrouverait. Malgré la distance, Pierre avait Estelle au téléphone régulièrement. Elle était au courant de son existence et ne semblait pas pressée de le rencontrer.
« - Alors, quand est-ce que je la vois ?
- Je ne sais pas trop. Quand elle viendra certainement.
- Elle ne veut pas me voir, c’est ça ?
- C’est pas vraiment ça, avait dit Pierre en insistant sur le « vraiment ».
- Elle croit quoi ? Que je vais te voler à elle ?
- Sincèrement ? Je pense oui.
- Bein, elle se trompe. Y a des trucs qu’on fait ensemble et que tu ne fais pas avec elle et y a des trucs que tu fais avec elle que tu ne fais pas avec moi. Ça me parait logique, non ?
- A moi aussi. Mais tu sais, sortir avec Pierre, c’est sortir un peu avec Pierre et Estelle.
- Si c’est la seule manière de t’avoir : je deviens bisexuel ! s'était-il exclamé en éclatant de rire.
- Certainement pas ! »

En rentrant dans l'appartement, Pierre trouve Adrien en train de regarder la télé.

« - Ça va ?
- Oui et toi ?
- Très bien merci. T'as fais quoi ? demande Pierre
- J'ai bouquiné et j'ai fais un brin de ménage. C'était pas du luxe, dit-il pour le faire rager.
- T'as qu'à dire que c'était le bordel ? »

Silence.

« - T'as lu mes calepins ?
- Oui. Ça te dérange ?
- Non, y a rien de secret. Je t'en avais parler de toute façon. »

Silence. Pierre se relève et s'apprête à quitter la pièce lorsque Adrien prend la parole.

« - Je tiens à toi Pierre, dit Adrien sans quitter des yeux de l'émission qu'il regardait. C'est sans doute trop tôt. Je ne sais pas. Pour l'instant, je n'ai pas envie de te quitter. Je t'ai lu... Je sais que je ne peux pas te comprendre. Je le sais et ça me fait peur. »

Pierre ne relève rien de ce qu'à dit Adrien. Il l'embrasse seulement. Il n'a rien voulu dire qui ne puisse gâcher ça. Si ça veut dire qu'il l'aime, il ne veut pas y répondre. Pour Pierre, un « je t'aime » ne réclame aucune réponse. Au fond, ça doit être ça l'étreinte : un « je t'aime » blotti, serré, bloqué, noué dans la gorge.
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