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     La fuite (Les amitiés particulières)
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Expéditeur Conversation
njb880
Envoyé le :  6/9/2010 15:54
Plume de soie
Inscrit le: 28/12/2009
De:
Envois: 102
La fuite (Les amitiés particulières)
Encore une nouvelle ville. Plus hautaine que les autres certainement. Il était seul à présent, personne pour lui tenir la main le premier soir où il dormira dans le nouvel appartement et personne pour décharger avec lui la valise du coffre de la voiture. Cette solitude, Pierre l’avait choisie. Il ne pouvait désormais que s’en accommoder. Il vécu cloitré les premiers temps comme pour ne pas imposer au monde les plaies qu’étaient les siennes. Mais il s’est vite rendu compte que le monde ne l’attendrai plus.

Assis au bar, il commande une margarita tandis que des jeunes hommes en mini short et tee-shirt moulant dansent sur une musique aliénante. Le boom-boom : où qu’il aille, il le suivrait partout, qu’Estelle soit là où non pour sentir son cœur sortir de sa poitrine. De l’autre côté du comptoir, un transsexuel lui donne son verre en l’agrémentant d’un « Tiens chéri !» qui le fît sourire. Il sirote son verre et joue avec l’ombrelle ridicule qui l’accompagne en ignorant jusqu’à la présence des éphèbes qui nagent autour de lui. Ce n’était pas son truc évidemment mais il fallait bien faire quelque chose d’autre que les autres soirs de la semaine.

Tout près de lui, un garçon vient commander sa bière et remarque le jeune homme plongé dans son cocktail.

« - Attention, tu vas te noyer… »

Silence dans le brouhaha du bar.

« - Tu es nouveau ici, non ?
- Ca se voit tant que ça ?
- Tu as l’ait différent, c’est tout. »

Le jeune homme repart à la table où il s’est installé avec quelques amis. Ils rient tous énormément. C’est une troupe, c’est un groupe. Ils ne doivent pas tous être gay. Ils doivent avoir les même réactions que Pierre a eu la première fois qui l’a mis les pieds dans un tel endroit en voyant le transsexuel-serveur, les minets dansants et le premier étage plongé dans le noir. De sa table, le jeune homme observe Pierre dans sa solitude de pilier de comptoir tandis que ces amis continuent à discuter bruillament. C’est ça : pour lui, Pierre soutient plus le bar que ce dernier lui permet de tenir debout. Le garçon se lève et se dirige vers Pierre.

« - Tu danses
- Je vais devoir décliner ton offre désolé, mon verre n’a pas encore eu les effets escomptés. »

Adrien est grand, châtain aux yeux clairs. Il est beau, son sourire asymétrique lui donne un air joueur que ces yeux trahissent à chaque regard. Ces yeux ne donnent pas l’impression de mentir.

« - Alors, en quoi suis-je différent, Monsieur Freud ?
- Non, non… je ne te ferais pas de psychanalyse de bazar, je te promet.
- Des promesses, déjà ? rit-il. »

Comme on pourrait jouer d’un éventail, Pierre fait glisser entre ces doigts l’ombrelle multicolore en discutant avec le jeune homme. Etudiant en dernière année de kinésithérapie à Bordeaux, il vante à Pierre les merveilleuses nuits bordelaises.

« - Alors qu’est-ce qui t’amène dans ce paradis ?
- Un paradis ? demande Pierre, interloqué.
- Pour certain. Pour d’autres, c’est l’enfer, ironise-t-il.
- L’ennui, principalement. Et pourquoi pas trouver un homme pour la nuit mais avec qui je pourrais évidemment discuter de la filmographie de Judy Garland au réveil.
- Raté, je suis plus Liza Minelli…
- La fille ou la mère, peu importe.
- Sinon, tu fais quoi à Bordeaux ?
- Je rentre en dernière année de fac, dit Pierre légèrement désabusé.
- Pour faire quoi ?
- Ce qu’on voudra de moi, rit-il.
- Des promesses, enfin. »

Ils sortent tous deux pour fumer une cigarette dans la fraîcheur de l’heure tardive de ce mois de septembre, mais l’affluence les pousse à partir plus vite que prévu. Ils marchent côte-à-côte vers l’appartement de Pierre.

« - J’ai vécu à Limoges pendant un an. J’étais en colloc’ avec ma meilleure amie.
- Elle ne t’a pas suivi ?
- Non, elle a trouvé mieux à faire. Ca s’est pas très bien fini mais ça devrait s’arranger.
- J’espère pour toi. Les amis, c’est important.
- Et toi, dis-moi tout…
- J’ai toujours vécu ici, je suis un pur produit de la région. J'ai fait ma prépa et j’ai tout de suite été admis à l’école. Je vis seul depuis que mes parents sont partis à Paris.
- Tu ne les as pas suivi ?
- Ma vie est ici. Je n’ai pas eu le courage de partir, je crois. Enfin pas comme toi…
- Du courage ? J’ai fuit, ça n’a rien de courageux.
- Rester, souvent, ça n’a rien de courageux. »

Il arrivent devant la lourde porte cochère qui sépare la rue de la cour intérieure où se situe l’immeuble dans lequel vit Pierre. Cette vieille bâtisse est pleine de charme. Les gens qui y habitent sont tous un peu fou : c’est ça qui a plu à Pierre lorsqu’il l’a visité. A commencer par la vieille dame du rez-de-chaussée, on peut l’entendre dès le matin appeler les chats du quartier pour leur donner à manger. Pierre et elle discutent parfois ensemble. Elle ressemble étrangement à la dame du café de la place de la résistance que Pierre aimait observer. Jeanine n’écrit pas de bouquin même si sa vie est un roman : pendant la seconde guerre mondiale, elle a entretenu une relation avec un officier nazi et elle a été rasé. Puis elle est partie vivre en Pologne, tout près d’un camp, pendant près de 30 ans. Là-bas, elle a tenté d’expier ses fautes. C’est vrai, pour elle, cette amour était une faute. Ensuite, elle est revenue vivre à Bordeaux quand sa sœur est tombée malade. Finalement, elle est restée.

« - Voilà, c’est chez moi…
- Tu vis sous une porte cochère ?
- Non, juste derrière : un grand appartement de 25 mètres carrés situé au quatrième sans ascenseur.
- Tu vois, c’est toi qui est courageux. »

Silence.

« - Au fait, tu m’avais accorder une danse, je crois ?
- Non, j’ai décliné ton offre, c’est différent.
- Alors, je réitère : veux-tu m’accorder cette danse, dit Adrien en faisant une révérence ridicule.
- Soyons fous. »

Pierre pose sa main dans celle que lui tend Adrien. Il se relève pour venir prendre Pierre contre lui. Adrien mène le bal et les deux hommes dansent sur le trottoir immense de la rue des bois de la Thuringe. Pierre reste tendu mais se décide à poser la tête sur l’épaule du jeune homme. C’est un silence pesant qui règne dans la rue : pas de passants, pas de voitures, rien. C’est un silence pesant, envoutant, cotonneux, moelleux. Il entoure Pierre et Adrien dans chacun de leurs déplacements.

« - Sur quoi on danse, dis-moi ?
- Je ne sais pas, ce que tu veux, dit Adrien un peu désarçonné.
- Sometimes it snows in april de Prince ?
- Voilà, c’est ça… »

Pierre chante la chanson dans sa tête : la perte d’un ami après de multiples de batailles. On pourrait lire sur les lèvres du jeune homme chaque syllabe de chaque parole. C’est vrai, parfois il neige en avril. Le souvenir de David se fait plus pesant à mesure qu’il danse sur cette chanson virtuel dans les bras d’Adrien. Et il finit par esquisser une larme quand il se répète la dernière phrase de la chanson : « And love it isn’t love until it’s passed ». Il s’arrête soudain de danser.

« - Ca ne va pas ? demande Adrien.
- Si si tout va bien.
- Sûr ?
- Sûr.
- Dis-moi, tu fais quoi demain ?
- Rien, pourquoi ? »

Ils quittent Bordeaux à bord de la petite voiture italienne d‘Adrien. Assis au volant, Pierre ne sait pas lui même où cela le mène.

« - Alors, où on va ?
- J’avais envie d’aller sur la plage.
- Lacanau ?
- Tu connais, moi j’adore.
- J’y suis allé une ou deux fois, c’est tout. »

Encore une fuite, s’est dit Pierre. Mais il n’était pas seul cette fois-ci, Adrien, le garçon au regard énigmatique, l’accompagne. C’était le moment pour Pierre de livrer un peu de lui puisque la radio ne marchait pas. Il lui dit presque tout : Estelle et l’amitié particulière qu’ils entretenaient, les parents et le déni. Adrien se contente d’écouter Pierre dans son long monologue. Il ne l’interrompt pas et, de la place du passager, il remarque cette façon qu’à Pierre de relativiser son histoire, d’excuser, de pardonner aussi parfois.

Plus d’une heure de route pour rejoindre l’océan. Il est déjà tard mais l’excitation du périple interdit à Pierre toute fatigue.

« - Alors, tu es plus Liza que Judy ?
- Judy est morte alors que Liza est toujours parmi nous.
- C’est une très mauvaise raison, s’il ne fallait aimer que les vivants, je n’écouterai pas de musique.
- En fait, je ne connais ni Liza ni Judy, dit-il d’un air confus.
- Sacrilège ! Tu es sûr d’être homo. Dans deux minutes, je vais apprendre que tu connais tout Johnny Halliday et je vais regretter de t’avoir suivi. »

Silence.

« - Ne dis rien, je conduis, je ne veux pas casser ta voiture, ordonne-t-il en lui souriant.
- Ni Johnny, ni Judy, ni Liza. Je ne suis pas un bon gay. Je n’ai pas vu Brokeback Mountain, je suis pas fan de mode et je ne voue pas un culte à Mylène Farmer, se justifie-t-il.
- Je ne t’en veux pas. Pour Mylène, t’as raison. Pour le reste, je t’apprendrai. Gamin !
- Je te trouve bien sûr de toi. »

Ils rient tout les deux alors que les premières odeurs d’iode viennent à eux. L’océan n’est plus très loin. Au mois de septembre, Lacanau se vide de ses vacanciers en famille pour accueillir des étudiants et des retraités. C’est bizarre, mais tout le monde y cohabite plutôt bien.

Ils arrivent dans la rue principale qui n’est plus très active à cette heure de la nuit mais Adrien le fait tourner pour rejoindre une autre plage. Une fois arrivés, Adrien sort une couverture de l’arrière de la voiture tandis que Pierre cherche en vain son paquet de cigarettes dans sa besace.

« - Tiens, dit-il en lui tendant une cigarette.
- Merci, je ne sais pas où j’ai mis les miennes.
- Dans un si grand sac, c’est pas étonnant que tu les perdes.
- Ne te fous pas de mon sac, c’est mon kit de survie, je ne sors jamais sans, dit-il en marchant vers la plage.
- Et il y a quoi dans ce kit ? »

Il prend soudainement le sac de Pierre et se met à courir comme pour ne pas être poursuivi.

« - Je ne courrai pas, Adrien ! Ca ne se fait pas de fouiller dans le sac des hommes. »

Le jeune homme l’attend de pied ferme sur la butte qui sépare l’océan du reste du monde. Lorsque Pierre est tout près de lui, il murmure :

« - Dis moi ce que tu as dans ton sac et je te dirai qui tu es…
- Tu ne sais pas encore qui je suis ? Je vois que mes confessions dans la voitures ne t’ont pas passionnées. »

Adrien s’assoit sur le sable et dispose le sac de Pierre entre ces jambes.

« - Alors, il y a un bouquin : Marguerite Duras, Un barrage contre le Pacifique, un lecteur MP3, tiens tes cigarettes, un portefeuille, humm marque luxe, un chéquier, une trousse de toilette.
- Oui, on ne sait jamais, j’ai le droit de découcher, non ?
- Une paire de lunette, un calepin et une trousse, ajoute-t-il.
- C’est grave Docteur, ironise Pierre.
- Je dirai que tu es un garçon atteint d’une déficience visuelle, amateur de blonde et d’auteure à la littérature érotico-asiatique, soucieux de son hygiène et relativement riche.
- Presque, dit-il en souriant. Alors toi, qu’as-tu dans tes valises ? »

Adrien sort son portefeuille de la poche arrière de son jean et le tend à Pierre, perplexe que le jeune homme ait répondu à cette demande.

« - A mon tour : du liquide, une carte de crédit, une carte de bibliothèque qui date de plus de 5 ans, ta carte vitale, ton permis, humm, tu étais déjà mignon à 18 ans, et une photo. Qui est-ce ?
- Ma mère.
- Cette photo est magnifique. »

Pierre regarde attentivement le cliché qu’il tient entre ces mains : une femme brune d’une vingtaine d’année pose sans regarder l'objectif. Elle semble emmitouflée dans un long manteau au col épais. Son regard était vraiment perdu. Pas comme pour faire un effet, il semblait irrattrapable. Elle est vraiment belle. Sa beauté transcende la tristesse de son regard.

« - Elle est morte quand j’avais 12 ans. Elle s’est suicidée. C’est mon père qui l’a photographiée dans sa voiture le jour où ils sont rencontrés.
- Je suis désolé, je n’aurai pas dû…
- Tu m’as parlé de toi, le coupe-t-il, il fallait bien que je me livre un peu. Tu vois, quand tu parles de ta mère, je me dis que je n’ai pas eu la chance de vivre cette fracture avec la mienne. J’ai eu ma belle-mère, dit-il en riant, je ne l’aime toujours pas mais… j’aurai juste aimer pouvoir la décevoir.
- Pourquoi, l’aurais-tu déçu ?
- Je ne sais pas… pour les même raisons que tu as déçu tes parents : parce que tu es différent de ce qu’ils avaient imaginé.
- Ca va ?
- Oui oui, dit Adrien pour le rassurer.
- Sûr ? redemande-t-il.
- Sûr. »

Pierre s’est alors rendu compte des raisons d‘un tel regard. C’était un jeune homme blessé comme il en existe partout mais, lui, était conscient de ses faiblesses. C’est beau un homme que l’on sent fragile.

« - Et toi, qu’est ce qui t’a rendu triste tout à l’heure. Tu as quand même eu la chance de danser avec moi, dit-il ironique.
- J’ai perdu un ami il y a deux mois. C’est pour ça que je suis parti aussi. J’avais besoin de changer de vie. »

Silence.

« - J’ai froid, dit Pierre en frottant ses avant-bras énergiquement. »

Adrien dépose sur ses épaules et celles de Pierre la couverture qu’il avait sorti de la voiture. Ils sont là, collés l’un à l’autre, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

« - C’est très joli ici.
- C’est un de mes endroits préférés.
- Pourquoi ?
- Parce que quand le soleil se lève, il y a toujours des surfeurs, dit Adrien en souriant. »

Pierre rit comme il avait perdu l’occasion de rire depuis deux mois. C’est un peu d’espoir pour lui aujourd’hui.

La fuite se termine à la terrasse d’un café vers neuf heure du matin. Pierre tient toujours sur ses épaules la couverture sous laquelle ils s’étaient blottis. Si parfois fuir est le début d’un naufrage, ce n’était pas le cas ce matin-là.
Honore
Envoyé le :  9/9/2010 10:55
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: La fuite (Les amitiés particulières)
Une simple histoire comme il peut en arriver tous les étés et qui évidemment suggère une suite qui est pour l'instant livrée à nôtre imagination.
HONORE
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