A quoi servent les mots
Qui ne peuvent guérir les maux?
Mon père était violent
Plus violent que l'ouragan
Il explosait comme le tonnerre
Il déclenchait le tremblement de terre
Il allumait les braises de l'enfer
Quand il frappait ma petite mère
Il frappait très fort
Ma mère s'écroulait
Le sang giclait
Le visage s'enflait
Les larmes coulaient
Je hurlais
Ma mère pleurait en silence
Sa souffrance et son impuissance
Je haïssais mon géniteur
De tout mon cœur
Je voulais sa mort!
Il buvait chaque soir
Jusqu'au delà de l'ivresse
Jusqu'à la démence
Devenait un monstre
Ses yeux rouges de sang
Les yeux du démon
Étaient si terrifiants
Que je me blottissais sous le lit
Toute la nuit!
A quoi servent les mots
Qui ne peuvent exorciser les maux?
Dans le même lit maudit
Mon père violait ma petite mère
Comme une vulgaire prostituée
Toute la nuit
Je ne pouvais fermer les yeux
C'était affreux
Il soufflait comme un volcan
Il grognait comme un cochon
Il pesait sur elle comme du plomb
Il brisait ses os fragiles
Résignée et docile
Pour le satisfaire
Ma petite mère se laissait faire
Sans rien dire
Elle était trop fière
Pour montrer sa douleur
Elle cachait sa colère
Dans son regard amer
Je voyais sa blessure
Et je pleurais toute ma rancœur
Toute ma haine, toute mon aigreur
J'étais un oiseau meurtri
Elle était un cœur endolori
J'étais un ciel endeuillé
Elle était une maison abandonnée
J'étais un arbre déraciné
Elle était une fleur fanée
Nous étions deux exilés
Chassés de la vie!
A quoi servent les mots
Qui ne peuvent apaiser les maux?
J'étais vieux à dix ans
Et je voulais arrêter le temps
Commettre l'homicide volontaire
Le parricide!
Enfin, la tête vide
Quand j'aurais tué le tyran
Je partirais avec le vent
Vers le printemps
Ma petite mère sur mes ailes
Mais j'étais si frêle
Et lui si cruel
Omniprésent
Omnipotent
Il brisait mes jouets
M'injuriait, me giflait
Me terrorisait, m'effrayait
Combien de fois l'avais-je tué
Dans ma petite tête?
Ignoble bête!
A quoi servent les mots
Qui ne peuvent chasser les maux?
Ma petite mère tout en émoi
Me prenait dans ses bras
Avec sa douce voix printanière
Elle me chantait sa chanson familière
Que lui chantait ma grand-mère
Comme une litanie, comme une prière
Ma petite mère a tant souffert
De la barbarie de mon père
Son éternel tortionnaire
Qu'elle pleurait chaque jour
Ses larmes, rivière de douleur
Me perçaient le cœur
Ne pouvant rien faire
J'entendais sa prière:
Dieu, faites que je meure!
A quoi servent les mots
Qui ne peuvent effacer les maux?
Enfin, le monstre est mort
La cicatrice demeure
A présent
Ma petite mère soigne ses blessures
Commence à s'épanouir
Réapprend à sourire
Libre enfin de s'ouvrir
Sur la vie!
Je veille sur elle
Aimant et fidèle.
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Agadir, le 26/5/2010
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!
