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     L’ombre d’un guerrier
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Expéditeur Conversation
clavaine
Envoyé le :  9/4/2006 10:37
Plume d'argent
Inscrit le: 11/3/2006
De:
Envois: 231
L’ombre d’un guerrier
Je me suis battu comme un lion, avec rage et passion poussé par la seule gloire de la libération d’un peuple et d’un pays tout entier.
J’ai tué comme un carnassier, creusé le sol comme un boucher, un goût de sang dans la bouche qui m’ôtait toute lucidité. Jamais je n’aurais pensé qu’un monstre d’esprit pouvait créer un charnier.
J’ai combattu avec ferveur, rage et ardeur, prenant toujours plus de plaisir. La mort ne me faisait plus rougir. Je m’introduisais dans les villas et sous les robes, brisant les biens les plus précieux des pauvres gens. Dans les regards je pouvais lire l’effroi et l’horreur ; et quand je quittais les domaines, il ne restait que torpeur et pleurs.
Dans chaque village, dans chaque maison, on emmenait des hommes et des enfants sans visage pour les tirer comme des lapins dans les champs voisins. Les coups de feu résonnaient dans la plaine silencieuse. Même les animaux se terraient devant tant de cruauté.
Puis un jour, je rencontrais un homme au regard sombre et au teint pâle. Ma première réaction fut de lever mon arme. Le doigt sur la détente, je me débattais pour obtenir un ordre que mon cerveau refusait de donner.
Halte, qui es-tu, que veux tu, lançais je à son encontre d’une voix haineuse.
C’est toi qui me pose ce genre de question, répondit-il sans peur.
Mon fusil pointait sur sa poitrine. Je voulais toucher son cœur du premier coup.
Arrête d’avancer ou je tire.
J’ai répété cette phrase des dizaines de fois au cours des derniers mois, et à chaque fois le face à face se terminait dans un minuscule écran de fumée grise. C’était un peu comme tirer sur sa cigarette. On finissait toujours par écraser le mégot au sol de façon inévitable.
Tu crois vraiment que cela changera quelque chose si je stoppe me demanda t’il la tête haute, le corps fier et droit.
Pour moi, cela retentissait comme un défi. Aucun homme à ce jour n’avait osé me tenir tête.
Je vais te tuer. Mes cordes vocales s’animaient sous le souffle de la rage. La bave m’en venait aux lèvres. L’idée du sang frais m’excitait. Tuer pour tuer sans autre forme de procès ni même des sommations d’usage. Cela me plaisait, je l’avoue.
Qu’attends-tu alors ! Tire !
Cette voix, si calme, si sereine ne faisait que renforcer mon exaspération. Mon doigt se crispait sur la gâchette. Des gouttes de sueur perlaient sur mon front tant mon envie de tuer était à son paroxysme.
Tu vas crever comme un chien. La violence avait depuis longtemps forcé les remparts de mon éducation pour donner naissance au feu de la vulgarité.
Regarde toi mon pauvre ami. Tu es incapable de me tuer bien que l’envie ne t’en manque pas.
Je ne suis pas ton ami. Arrête d’avancer te dis-je, arrête... Tu entends...

Je ne voulais pas l’avoir en face de moi ; je ne voulais pas de son visage qui se jetterait comme une ancre dans le fond de mon inconscient pour venir me tourmenter dans mes nuits.
Voilà me dit-il simplement. Ton canon est sur mon cœur. Je sens l’acier froid cogner sur ma peau. Je suis donc à ta merci. Qu’attends-tu ?
Tu es Ă  ma botte depuis le premier instant pauvre idiot. Je ne sais pas ce qui me retient de...
Justement, tu ne sais pas et c’est bien ce qui te rend fou. Profites-en pour me regarder dans le fond des yeux avant d’y jeter ton nuage de poudre.
Jamais... Jamais...
Pendant que l’on parlait, j’essayais désespérément de ramener mon cerveau à la raison. Je voulais tuer cet homme, de mille et une façons. Il fallait que je le fasse.
Je t’attends mon ami.
Je ne suis pas ton ami mais ton pire cauchemar.
En es-tu si certain ?
Plus il me parlait, plus je le détestais. Jamais ma haine envers quelqu’un n’avait atteint de tels sommets.
J’ai connu pire comme cauchemar me lança t’il à la figure en riant.
Cette phrase à elle seule fit l’effet d’une bombe. Sous l’impact je reculais de trois pas, me tenant le visage de la même manière que si l’on m’avait administré une correction. Sous le choc, j’en oubliais même de braquer mon arme. Mais, cela ne dura que quelques secondes avant que je ne me ressaisisse et que ne réapparaisse le reflet du métal sous la lumière d’une lune pleine.
Ne bouge pas espèce de dégénéré. Je hurlais de fureur et de douleur. L’électrochoc qu’il m’avait administré ne décidait toujours pas le commandant en chef de mon corps à faire feu.
Ne t’inquiètes pas, je resterais là.
C’est toi qui devrais t’inquiéter. Moi, je n’ai aucune raison.
Vraiment ?
Enlève ce sourire de vainqueur de ta bouche. Il n’y aura qu’un seul gagnant ce soir dans cette plaine et ce sera moi.
Vraiment ?
Et comment ! Moi, j’ai tous les atouts de mon côté.
J’en riais tellement la situation était cocasse. Un homme sans arme me défiait, convaincu qu’il allait me donner du fil à retordre. Les fous sont décidément partout.
Vraiment ?
Arrête de répéter ce mot à la fin, bon sang ! tu ne sais dire que ça ? mais non, suis je bête! Tu commences à sentir la peur, hein ! c’est ça ? répond, c’est un ordre.
Comme tu voudras. Tu veux parler de la peur, parlons en. Et si on discutait un peu de la tienne qui te fait commettre crimes et tortures ! tu te caches comme un lapin derrière ce sentiment que tu n’arrives pas à combattre. Pour te donner confiance, tu t’en prends au plus faible. Mais, de la meute de chasseurs dont tu fais partie, le plus craintif à ton apparence.
Ta gueule.

Mon dieu, quelle arrogance pour un froussard.
Je ne suis pas un dégonflé. Mes actes parlent pour moi.
Tes actes ! Ont-ils été si téméraires que tu puisses en retirer de la fierté ? je ne crois pas.
Tes actes ! Pour toi, torturer une femme avant de la violer est un acte de bravoure ?
Ce n’est pas de ça dont je parle.
Oh ! Tu veux sans doute parler de ces enfants que tu as croisés dans le village voisin et que tu as tué sans autre forme de procès sous prétexte qu’ils n’ont pas ton appartenance ethnique. C’est de cela dont tu veux parler ?
Non !
Ou bien alors veux tu me parler de cet acte de gloire quand des hommes tenant au-dessus de leur tête un drapeau blanc sont venus parlementer et que vous les avez tous massacrés, les décapitant à la machette les uns après les autres. Quel courage il vous a fallu pour affronter cette horde sanguinaire dis moi !
Tu vas la fermer salopard. J’ignore comment tu sais tout ça, mais tu ne pourras jamais le répéter à personne. Je vais te tuer de me propres mains.
Je posais mon arme à terre avant de m’élancer vers ce bâtard qui me donnait des leçons de morale. Mon élan se figea au milieu de sa course quand un éclair de l’astre de la nuit se fraya un passage sur le visage de mon ennemi. J’étais en face de mon ombre, un reflet de miroir dans un champ d’herbes sauvages.
C’est... C’est... Impossible. Je dois rêver, c’est une hallucination.
Je ne pouvais croire ce que me disaient mes yeux. Un autre moi, un jumeau sorti tout droit de mon imagination. Un délire de mon cerveau sans doute pour se protéger d’une agression trop violente.
Ce n’est pas le fruit trop mûr tombé de ton arbre de barbarie. Je suis bien réel.
Cela... Ca ne se peut pas...
Il n’y a rien d’impossible en ce monde pour qui le veut vraiment. Je suis toi sans vraiment l’être. Tu ne peux pas savoir les heures que j’ai passé à prier pour que tout s’arrête. Je ne pouvais plus te supporter. J’ai prié Dieu de me venir en aide et il m’a entendu.
Tu ne pouvais plus me supporter ? Que veux-tu dire ? D’où viens-tu ?
Je suis ton ombre mon ami, juste un effet de lumière auquel on ne prête jamais attention. Mais, étant toi, j’étais tout aussi responsable de tes actes que tu peux l’être. Et tes exactions me répugnent.
Si tu es moi, tu devrais ressentir les mĂŞmes choses ?
J’ai essayé de comprendre au début ; au premier mort par ta main j’étais horrifié. Au second je t’ai condamné. Au troisième j’ai prié. Pour tous les autres, je t’ai maudit.
Tu ne peux pas, tu es moi.
Même l’ombre de Peter Pan s’est échappé un jour, par jeu. Moi, ce n’est pas un amusement. Tous ces cadavres que tu sèmes derrière toi, toutes ces victimes de ta soif de domination et de sexe, tous ces débordements de cruauté c’est un peu comme ...
Il ne termina pas sa phrase. Les larmes l’en empêchaient.


Je... Je... il tentait vainement de me dire quelque chose au travers des gouttes de pluie. Je te hais cria t’il d’un seul trait.
Et alors lui demandais-je ! Ça change quoi ?
Tout, absolument tout me répondit-il en essuyant du revers de son bras les restes calcinés d’un feu de paille. Je peux m’en aller à présent. Je suis libre, débarrassé de toi.
Tu ne peux pas, tu es mon ombre, nous formons un ensemble, une Ă©quipe.
Plus maintenant. Il fallait y penser avant. Il est trop tard. Tu vois, c’est comme dans un couple. A partir de l’instant où il y a des dissonances, le divorce devient inévitable.
- On n’a jamais entendu parler d’une ombre rebelle qui quitterait son maître !
Je l’entendis rire pour la deuxième fois, un rire qui cogna sur chaque feuille, chaque arbre, chaque brindille pour me revenir en petites lames acérées qui me transperçaient la peau.
Tu n’es... Tu n’es pas mon maître me lança t’il en essayant de contenir son hilarité. Tu... Tu ne l’as jamais été. J’étais avec toi pour ton sens du bien et de l’honneur, pas pour ton goût prononcé du mal et ses horreurs. Je te l’ai dit tout à l’heure, je suis libre. Je voulais juste profiter d’un moment de cette liberté pour dialoguer avec toi avant de te quitter. Tout est dit. Adieu.
Je vis mon ombre courir. Je l’entendis encore rire dans les montagnes qui cernaient la plaine. A l’ instant où il cessa d’émettre dans mon oreille, le soleil se leva sur une brume de printemps, une saison où les ombres sont belles quand elles se reposent sur les coquelicots.
Quand je m’aperçus que ma silhouette avait disparu malgré toutes celles qui apparaissaient sous le nouveau jour, je tombais à genoux près de mon fusil. Je m’en suis saisi, ai tourné l’arme contre moi, mis le canon en bouche et donné l’ordre à mon doigt d’appuyer sur la gâchette.
Mon cerveau n’a pas flanché...


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criducoeur
Envoyé le :  13/4/2006 16:01
Plume de platine
Inscrit le: 22/6/2005
De: Paris
Envois: 3509
Re: L’ombre d’un guerrier
Magnifique. Vraiment j'ai apprecié ce superbe texte emouvant et profond. Un grand bravo.
Mes amitiés.
Criducoeur.


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L'amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c'est une flamme qui
étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c'est une mer
qu'alimentent leurs larmes.
William Shakespeare(Roméo et Juliette).

delphine
Envoyé le :  16/4/2006 0:44
Plume de platine
Inscrit le: 11/1/2006
De: Marseille
Envois: 4642
Re: L’ombre d’un guerrier
Clavaine,

Je reste bouche bee devant cet ecrit.....C'est tres prenant et surtout tres intelligent.......La fin est geniale, quelle belle lecon.........
Bises Delphine


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