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     La séance (Les amitiés particulières)
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Expéditeur Conversation
njb880
Envoyé le :  8/6/2010 11:11
Plume de soie
Inscrit le: 28/12/2009
De:
Envois: 102
La séance (Les amitiés particulières)
« - Je m'appelle Pierre. Je suis poisson ascendant utopiste-réaliste. Je suis célibataire. Je suis un solitaire. Enfin... Je crois que c'est ce que se disent les gens qui se sentent seuls. C'est pas que je me sens seul mais j'aime être seul. Je crois en l'homme et en sa solitude : l'homme naît et crève seul. C'est une réalité que personne ne veut s'avouer. Oui, tout le monde pense qu'il faut être deux pour être heureux, moi je crois qu'il faut savoir être seul pour savourer le fait d'être deux. Ça doit être dû au fait que je n'ai jamais réellement été en couple. L'amour, je ne sais pas si ça existe. L'amitié, non plus d'ailleurs. Je sais qu'il y a quelque chose entre les deux : mais quoi ? Je ne sais pas. »

Tout en parlant, il fait tourner autour de son poignée un cordon en cuir noir noué sur une boucle en or blanc. Il n'est pas plus nerveux que d'habitude mais il n'aime pas avoir les mains vides quand il prend la parole et n'aime pas parler avec les mains, donc il tripote quelques chose.

«  - Tiens, en parlant d'amitié, ma meilleure amie s'appelle Estelle. En fait, je dois y croire à l'amitié. Je ne sais pas trop comment ça a commencé entre nous deux : j'ai dû faire une blague pourrie et elle a dû rire. Oui, qu'est-ce qu'on peut rire... Elle me dit souvent que je ne souris jamais mais que bizarrement je rie énormément. C'est vrai, elle a raison : elle doit me connaître mieux que je ne me connais moi-même. Les gens se demandent toujours si on est ensemble. Il faut absolument coucher avec quelqu'un pour être proche de cette personne, dit-il ironiquement. Je crois que l'intimité ne se crée pas, elle est là ou pas. Entre nous, elle a était là tout de suite. Je vous vois venir ! Non pas une intimité physique mais une intimité du passé, des sentiments, de tout ce qui fait que l'on est soi. Ah oui, je ne vous ai pas dit : je suis gay. Je vous annonce ça comme une grande nouvelle alors que je ne suis pas bien sûr que ça fasse une grande différence. Si bien sûr... J'ai beaucoup plus de goût que les hétéros et j'ai beaucoup de mal à cacher ce que je pense, annonça t-il en riant. Mais ça, pas besoin d'être homo pour avoir ces traits de caractère : c'est une rumeur même. J'ai connu des hommes malhonnêtes avec des mocassins à glands et des chaussettes de sport...et ils étaient homos. Enfin, il ne faut pas croire aux apparences ni aux rumeurs : les unes font, seulement, naître les secondes »

Il marque une pause et regarde par la fenêtre. Il voit un homme crier quelque chose à une personne qui se trouve dans la rue. Sa curiosité lui fait se demander ce qu'il peut bien avoir à demander du haut du cinquième étage d'un immeuble de centre-ville. Il se ressaisit quand il voit apparaître dans la vitre son propre visage.

« - Je ne sais plus où j'en étais... Ah oui, Estelle. C'est quelqu'un de très important dans ma vie. C'est elle qui m'a fait entrevoir la possibilité de bien vivre ce que j'étais. J'ai oublié, dit-il en se penchant comme pour faire une confidence, la rumeur veut que les homos vivent très mal ou très bien leur situation. C'est pas toujours vrai, évidemment. Comme entre l'amour et l'amitié, je crois bien qu'il y a un juste milieu : entre « en être fier » et « en avoir honte ». J'avais beaucoup de mal à m'accepter avant de la rencontrer. Il a fallu que l'on parte à la fac de Limoges pour que je vive pleinement mon « homo-situation », c'était deux ou trois ans après que nous nous soyons rencontré. »

Silence dans le cabinet.

« - Vous vous voudriez que je vous parle de ma mère? Je n'en pas vraiment envie. Oui, je suis un homo freudien. Évidemment, ma mère n'est pas totalement castratrice et mon père pas totalement absent, mais au fond c'est tout comme. C'est drôle, je ne veux pas faire de mon homosexualité quelque chose d'exceptionnelle et j'en parle depuis cinq minutes. Je suis désolé, je pars un peu dans tout les sens, je crois que je sais très mal parler de moi. Mais bizarrement, avec vous, c'est plus simple qu'avec quelqu'un d'autre. »

L'homme derrière le bureau sourit. Il a entendu cette phrase des centaines de fois au moins. Pierre n'est pas le premier jeune homme à entrer dans son cabinet avec des réponses pré-établies à ses propres questions. Cela ne le gêne pas, pour lui c'est la preuve d'une grande intelligence. Pierre se pose des questions et il est légitime de penser qu'il puisse lui-même connaître les réponses.

« - Je ne suis pas de ces personnes qui assument. Bien sûr, je ne me cache que dans de rares cas. Et encore, peut-on parler de mensonge ? Je joue avec la réalité plutôt, et comme beaucoup de gens, j'aime croire que c'est moi qui décide. Au fond je le sais bien, ce n'est pas qui moi qui ait choisi. C'est ça le plus rageant, je trouve. Je ne me suis pas choisi, je ne contrôle rien. Je ne fais que jouer le rôle que l'on m'a donné à la naissance. Je suis la culpabilité. C'est drôle, un homo coupable, dit-il en souriant. Oh, je suis bien sur que vous en avez rencontré des centaines. Je suis un enfant de la culpabilité, voilà. Mon grand-père était homo lui aussi. Alors, quand on pense homosexualité dans ma famille, cela ne peut être lié qu'à la culpabilité. Cet homme que j'ai peu connu s'était rendu coupable d'avoir fondé une famille, d'avoir fait souffrir femme et enfants, d'avoir habité avec un homme seulement quelques jours après son divorce dans un village où la rumeur court comme affamée. Quel schéma voulez-vous que j'ai dans la tête ? On n'a jamais trop dénigré cet homme devant moi mais je l'ai senti. J'ai senti cette misérable peine : cette souffrance de ne pas être comme tout le monde. Être le fruit de l'horreur, être le fruit de ça. Le « ça » j'en ai cherché l'arbre pour voir quel en était le fruit. Je n'ai rien trouvé jusqu'à ce que je comprenne que « ça », c'était un homme comme vous et moi. Enfin, surtout comme moi, ironisa-t-il. J'ai donc choisi de garder pour moi une existence qui avait fait tant de mal dans le passé. Je sais ce que vous allez me dire : les temps ont changé et blablabla... Pas grand chose n'a bougé en 30 ans et la nouvelle génération n'arrangera pas les choses, il me semble. »

Cela faisait quelques temps que Pierre n'avait pas songé à son grand-père. Il est mort alors qu'il n'avait que 12 ans. Lui et sa mère avaient toujours été en très mauvais termes, ce qui fait qu'il ne le voyait qu'en de rares occasions.

« - Le jour où il est mort, j'ai failli me faire renverser. Le plus drôle, c'est que quelques minutes avant d'éviter la voiture, j'ai croisé un camion de pompier devant le musée militaire. J'ai tracé ma route. Il était mort dans le musée d'une crise cardiaque. J'étais passé à deux pas de son corps sans le savoir et quelques minutes plus tard, j'ai failli me faire renverser par un chauffard. C'est dingue, non ? Il n'y a pas de coïncidence. »

Quelques sanglots viennent embrouiller la voix de Pierre. Il se revoit passer au ralenti devant le musée en rentrant du collège. Il se voit tourner la tête vers son antre. Il se voit sourire et reprendre son chemin. Il voit le bout de la rue et le passage piéton qui mène au parking. Il se voit se retourner vers le musée et il sent encore le rétroviseur de la voiture entrer dans ses côtes. Il se revoit assis par terre et un homme d'un certain âge venir l'aider à se relever. Il revoit la vieille maison bourgeoise de sa grand-mère à quelques mètres de là, la lourde main en fer qui servait à frapper et le regard de sa grande sœur qui venait d'apprendre la nouvelle. Il se revoit deux heures après courir dans les bras de ce père qui ne l'avait jamais reconnu en criant qu'il devait manger chez lui à peine un jour après. Il revoit tout, il sent encore la douceur de ce mois de novembre et les larmes d'après.

« - C'était un jeudi et je devais aller manger chez lui avec mes sœurs le vendredi soir. Il n'y a vraiment pas de coïncidence. Voilà, c'est mon héritage. Je n'en ai pas voulu mais je l'accepte. Il a fait de moi ce que je suis. Sans lui, je serais sans doute triste et terne mais il a fait de moi un garçon gay et terne, ironisa-t-il toujours en éclaircissant sa voix. Vous comprenez pourquoi je ne veux pas vous parler de ma mère. C'était son père, je suis son fils. Elle est le chaînon manquant d'une lignée de personnes « hors-normes ». Je l'ai toujours connu en dépression. Je ne l'ai pas connu heureuse, je ne sais même pas si elle l'a été un jour dans sa vie. Je ne l'ai connu que squelettique, en pyjama, dormant à longueur de journée ou agressive. Je ne suis pas le fils qu'elle aurait voulu avoir. Elle aurait voulu défaire la faute commise par son père, je le sais. Avec moi, elle a enfoncé le clou alors je met ça sur le compte de la dépression mais elle croit que je vais me marier un jour. Elle sait que je suis homosexuel. Elle me l'a fait dire. Elle a fait face comme toujours pour retomber dans un épisode dépressif plus important que le précédent. Je suis donc enfant de la culpabilité et de la dépression. »

L'homme a la fenêtre est réapparu furtivement. Il sert dans un ces bras une femme plus vieille que lui de 20 ans au moins.

« - Je partirai d'ici un jour. Je me le suis promis quand j'étais gosse. C'est drôle mais ça me revient tout à coup, je m'étais dit que je partirais quand mes grands-mères seraient mortes et que je m'appellerais Patrick. C'est vraiment très con. »

L'heure était passée d'à peine quelques secondes quand il a quitté le cabinet du psychothérapeute. C'est un peu plus léger qu'il décide d'aller boire un café place de la résistance. La journée ne fait que commencer et tout se bouscule dans sa tête à présent. Des souvenirs. Trop de souvenirs à 20 ans.
Soliane
Envoyé le :  9/6/2010 9:39
Plume de diamant
Inscrit le: 22/6/2005
De: Aquitaine
Envois: 24235
Re: La séance
Un passé lourd à porter qui donne lieu à une intéressante séance d'introspection.


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Honore
Envoyé le :  10/6/2010 10:21
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: La séance
A 20, ans l'avenir s'ouvre devant nous et il ne faut surtout pas se poser trop de questions si l'on veut avancer dans la sérénité.
HONORE
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