La météo avait annoncé un temps magnifique, mais pourtant ce matin le ciel était gris et parsemé de nuages menaçants et un léger mistral venu de je ne sais où s’était invité en même temps que 3 gouttes de pluie quand, avec famille et amis au grand complet, je me suis rendue à place de la Mairie de mon fief « cigalois » pour assister au rassemblement républicain prévu à 11 heures.
A 11 heures moins le quart cette place de la Mairie, celle de mon cher village qui compte environ 3700 âmes, était déjà noire de monde, alors que les gens continuaient à affluer et à se replier dans les rues avoisinantes.
Du monde, énormément de monde, je n’avais jamais vu une telle foule rassemblée en pays cévenol…
Des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes et des enfants aussi, des enfants graves, recueillis, comme savent l’être les enfants quand ils arrivent à comprendre l’incompréhensible.
Comme je connais et reconnais beaucoup de monde, je remarque des catholiques, des protestants, des athées, et même des musulmans, surtout des jeunes et des femmes, avec ou sans foulard.
Je remarque aussi des socialistes, des communistes, des UMPistes, des « qui ne font pas de politique et même des sympathisants FN, tous unis dans une fraternité qui fait chaud au cœur.
Le conseil municipal est au complet, de même que celui du village dans lequel je vis, à 9 km d’ici.
Comme partout en France il y a les officiels et les autres, els anonymes, les « sans grade ».
Le Maire ouvre la cérémonie en relatant les faits, en rendant hommage à tous les morts, à toutes les victimes de cette barbarie sans nom, puis il invite les personnes qui le désirent à prendre la parole pour dire leur ressenti.
Il sont une dizaine à s’exprimer, une dizaine de « cigalois » ou des environs, à cirier leur colère.
Le premier à s’exprimer est un Juif, qui se présente comme tel, un nouvel arrivé dans le coin je crois et qui parle de toute cette horreur qui a touché toute la France, en particulier la communauté juive.
Un vieillard tout courbé, un chapeau noir vissé sur la tête, n’arrive pas à retenir ses larmes, qui, dit-il, coulent depuis 3 jours et a beaucoup de mal à terminer ce qu’il avait à dire, à savoir qu’il ne pensait plus jamais, après avoir connu les horreurs de la guerre, connaître une telle tragédie.
Et les témoignages de douleur se succèdent, comme celui de 3 musulmanes, non voilées, qui hurlent leur douleur en disant que l’Islam dont ces fanatiques se réclament n’est pas le leur, celui qui n’est que paix.
Toutes les trois se disent fières d’être françaises et cévenoles et crachent leurs mépris et leur colère envers ces lâches assassins..
L’une d’elle dit qu’elle est venue avec sa mère qui manifeste pour la première fois et sous dune salve d’applaudissements, on entend cette maman crier dans la foule « oui, c’est moi, je suis là ».
Le Maire demande ensuite une minute de silence et les gens, pourtant peu bruyants, se taisent et se recueillent.
Des larmes coulent en silence et vingt-sept anges passent dans le ciel qui s’est subitement éclairci pour laisser place au soleil, comme pour dire que ces « salopards » n’ont pas réussi à tuer Charlie et qu’après la pluie revient toujours le beau temps.
Quelques voix s’élèvent alors pour entonner la Marseillaise, reprise spontanément en chœur par tout l’auditoire et je pense en souriant intérieurement que je n’ai pas chanté cet hymne en public depuis que j’avais 7 ou 8 ans, quand on nous obligeait à la chanter pour la fête des écoles.
Avant de clore cette manifestation, le Maire propose un petit cheminement dans les rues du village et tout le monde se met en marche, certains avec un petit panneau « je suis Charlie », d’autres, comme moi, un simple stylo à la main.
Devant les cafés, des personnes attablées, un verre de bière ou un « pastaga » à la main, regardent passer ce long cortège d’au moins de 1000 personnes, ou plus..
La gêne se lit sur certains visages, un sourire ironique chez d’autres, qui ne sont certainement pas Charlie…
Que voulez-vous, chacun réagit comme il veut, n’est-ce pas et c’est ça aussi la liberté après tout.
Isis 11 janvier 2015
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