GREVE S.N.C.F.
Mon chéri,
Comment te dire ma déception. Devoir renoncer à cette rencontre projetée depuis plusieurs jours déjà . Le billet acheté, aller-retour, fin programmée, pleins feux sur l’arrivée.
Me retrouver dans tes bras, imaginer ton souffle ému sur mes cheveux, la retenue imposée par le lieu public ou nous nous retrouverons enfin.
Et patatras, c’est la grève, grève frustrante, mur posé devant notre bonheur. Envie de crier la déception, là , dans ce hall de gare où je viens d’apprendre la décision surprise du personnel roulant.
Mais peu à peu, après l’impact et le désordre de l’esprit, je reviens à ma place, au milieu de tous ces gens qui, eux aussi, ont reçu la nouvelle de plein fouet.
Certains se taisent, comme terrassés. D’autres s’épanchent. Tous ont à vivre cet empêchement subit qui pose un interdit à leur projet. Mais les visages de ceux qui se taisent en disent tellement plus long que les mots.
Alors, vois-tu, je retrouve la raison. Il y a peut-être des drames qui se jouent près de moi. Certaines personnes sont peut-être plongées dans la détresse, la plus parfaite défaite, par cette impossibilité à partir.
Pour nous, après tout, il ne s’agit que d’attente un peu plus longue, porte ouverte sur des saveurs plus fortes, un bonheur plus brûlant.
Attends encore un peu, j’arrive…
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Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez de vos biens
C'est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement.
Khalil GIBRAN 
