De signifiants en signifiés
Les mots vont prendre des couleurs
À toute forme identifiée
Dans l'allégresse et la douleur
Se ternir ou se magnifier
À la fibre des sentiments
À leur palette à leur pigment

Il s'en vont exulter au rose de la joie
Se raviver d'air pur aux voutes de l'azur
Après un temps ternis dans le gris de l'ennui
Les voilà rouges sang amour et feux grégeois
De la folle passion ils donnent la mesure
Jusqu'à s'exacerber au voile de la nuit

Puis on les voit qui vont glaner à l'émeraude
Adoucir la souffrance à la verte espérance
Remontant du passé ils deviennent sépia
Les mots ont des reflets disparates qui rôdent
Ils côtoient pâquerette bleuet et garance
Primevère genet lavande et hortensia

Ils s'habillent carmin indigo et safran
Et s'en vont réveiller de fabuleux symboles
En peignant sous nos yeux de superbes tableaux
De paysages flous en paysages francs
Ils s'envolent d'un trait en quête d'hyperbole
Pour aller rayonner jusqu'au petit hublot

Ils vont s'encanailler aux accents de la plèbe
En se passementant de lueurs effrayantes
Dans de sombres quartiers et rasant la muraille
Ils vont se restaurer près de la brune glèbe
Redorer leur blason de palmes chatoyantes
En allant du pastel au rutilant corail

Puis ils vont se frotter à la vague argentée
Dans les courants changeants des eaux tumultueuses
Ils roulent récoltant des gerbes d'étincelles
Ils reviennent parés mythifiés habités
Par des connotations de portées fructueuses
Et vont revigorer le verbe qui chancelle

Ils se font anarchistes révolutionnaires
On les voit dans la rue former des banderoles
Au fil du drapeau noir ils accordent leur tons
Ils se tiennent serrés solides partenaires
Lorsque dans la révolte ils prennent la parole
Ils ont le teint bitume ils ont le teint béton

De signifiants en signifiés
Les mots vont prendre des couleurs
À toute forme identifiée
Dans l'allégresse et la douleur
Se ternir ou se magnifier
Passant du blême à l'éclatant
Les mots ont la couleur du temps...