Brutal est l'invisible temps
Quand il file entre les doigts
Comme un couteau d'argent
Dans une couverture de soie

Un matin j'ai fait la découverte
Des premiers reliefs ondulés
Ils sonnent comme une alerte
Ces petits creux m'ont acculés

Mes articulations se raidissent
Usées par le poids des peines
L'immobilité parfois s'immisce
Le fauteuil prend les rênes

Je sens ma colonne se tasser
Se tordre comme un serpent
La pesanteur m'a ramassé
Mes gestes deviennent lents

Les douleurs se multiplient
Lancinantes parfois brûlantes
Les doigts se tordent, se plient
La mort rentre en mon antre

Hier encore je courais à vue
Je croquais la lune et le soleil
Explorant chaque coin de rue
Pour dénicher tant de merveilles

Aujourd'hui je regarde la fenêtre
Le vent bouscule les feuilles
Comme le temps a usé mon être
Comme il me pousse au cercueil

J'aurai voulu aimer à m'exploser
Tout te donner à me déchirer
Brûler les pages voulant tourner
Et arrêter cet invincible temps

Mais il est trop tard je le sais
Je sens mes yeux se fermer
Ancré dans mon corps fatigué
Je m'envole dans l'obscurité