Ce poème est dédié à la mémoire de Roger Frison Roche, grand explorateur et amoureux du Sahara (1906-1999)



Là bas, dans le lointain, au pied des longues dunes
Le grand méhari blanc s’éloigne solitaire
Il part pour des régions désolées et austères
Et bientôt tracera son chemin sous la lune.

Il emprunte une voie qu’aucun ne connaît plus
Qui pourtant a servi durant des millénaires,
Mais nul ne se souvient du secret du désert
Que jeune, de son père, son Guide a reçu.

Traversant les grands ergs, les hamadas arides
Aux pierres calcinées par un soleil pesant,
Où l’air trop surchauffé s’élève en frissonnant
Faisant naître mirage en cet horizon vide.

Le guide ne fera que de très brèves pauses
Tout près de puits perdus, à l’eau si bienfaisante,
Pour repartir dans une ligne différente,
Zig-zag, unique voie possible pour qui ose.

Il quitte sa famille et aussi ses amis,
Car il refuse toute colonisation.
De France il ne veut de la civilisation
Qui ne pourrait ici assurer sa survie.

Sa liberté lui est plus précieuse que l’or.
Au temps où les gaulois s’opposaient à César,
Ses ancêtres sillonnaient les regs, sans hasard,
Sans jamais s’égarer dans ces terres de mort.

Là où il va, nul ne saura le retrouver
Au-delà du Tanezrouft, dans l’oubli total,
Il veut se ressourcer à son passé tribal
Sur la montagne que ses aïeux ont gravée.

Il connaît du désert l’âme et la majesté,
La paix qu’apporte en lui son silence profond,
Qui laisse tout le temps à la méditation
Bien étouffée en nous par la modernité.

Oh, combien d’entre nous aimeraient défier
Comme lui, les espaces semblant infinis,
Pour retrouver enfin un vrai sens à la vie
Dans les traces perdues de la Piste Oubliée.

Le 21 mars 2007


Roger Frison Roche (1906-1999), a fait partie de la prestigieuse Compagnie des Guides de Chamonix où il a été le premier non chamoniard a être admis en 1930. Connu pour ses romans sur la montagne «Premier de cordée» et «La grande crevasse», il est devenu un explorateur infatigable. Il a fait son premier voyage au Sahara en 1935. Son premier livre paru en 1936 est «L’appel du Hoggar». Il publiera son dyptique sur le Sahara «La piste Oubliée» en 1950 et «La montagne aux écritures» en 1952. Entre 1956 et 1969, il fera plusieurs voyages en Laponie, dans le Grand Nord Canadien, qui lui inspireront plusieurs romans et films. Il s’est éteint le 17 décembre 1999 à Chamonix où il vivait depuis l’âge de 17 ans.

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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme (Rabelais)