Plume de soie Inscrit le: 6/9/2015 De: Grasse Envois: 160 |
Le mauvais gout (Acrostiche sur une phrase de Charles Baudelaire.) "Ce qu'il y a d'enivrant dans le mauvais gout c'est le plaisir aristocratique de déplaire"
Comment vous l'avouer ? J'ai, dit-on, mauvais goût, Et malgré mes efforts j'inspire le dégout. Quolibets, airs navrés, soupirs, profond dédain, Un bien triste sort de n'être pas mondain.
Il aligne les vers en se croyant poète ! Lisez cette bouillie ce n'est rien d'honnête ! Y-a-t-il dans ses écrits un fond ou une forme ? Affligeant rimailleur, naïf et non conforme !
Délaissé, isolé, cherchant pourtant à plaire, Enlisé dans mes vers, je ne peux me complaire Ni à être trivial, ni à suivre la mode. Iconoclaste ma poésie incommode.
Volant dans les tempêtes de l'inspiration Royal est le poète, pour notre admiration. Au contraire voyez notre ami patauger Nageant contre les flots sans pouvoir émerger.
Tendrement je produis de délicats sonnets, De doux alexandrins pour faire résonner Au sein de votre cœur tout ce que je ressens. Ne m'en reviens, hélas, qu'un silence blessant.
S'il voulait, en faisant, certes, de gros efforts Le public, un peu chien, pourrait trouver confort En lisant ces écrits. Entêté, il choisit Mets délicats au lieu d'ordures bien choisies (*).
Alors que dois-je faire pour être reconnu Usurper une image ? Surfer sur le connu ? Voguant sur les poncifs et les trivialités Appâtant le chaland par la banalité ?
Il faut, si l'on aspire à la reconnaissance Savoir se mettre au pli des us et convenances. Gloire est une égérie, il faut qu'on la mérite On ne la séduit pas sans passer par ses rites.
Une voix inconnue susurre dans ma tête. « Te penses-tu si fort, toi qui te crois poète ? Crois-tu que quelques vers vont faire que l'on t'aime ? Et d'ailleurs pourquoi donc écris-tu des poèmes ? »
S'il faut que je réponde à ce réquisitoire Tourmenté par ces mots par trop inquisitoires Laissez-moi exprimer par le biais de rimes Et la forme et le fond de l'élan qui m'anime.
Plonger au plus profond de mon cœur et mon âme Laisser sortir en vers, en un épithalame, A la fois, émotions, pensées du jour, principes, Intimement mêlés, au fil des participes ;
Soulever s'il le faut un sujet polémique Inciter à penser hors de l'académique Renverser les barrières, pour regarder derrière Au mépris du confort, du succès, la carrière ;
Religion, politique, orgies de fleurs du mal, Il n'est pas de sujet tabou ou anormal Si l'on est un poète on doit prendre des risques Tel marier en un vers marinisme et marisque.
Oui, voila donc pourquoi, parfois dans l'indécence, Chantant pour le transport de l'esprit et des sens, Recherchant, s'il le faut, ma Muse dans l'égout, Aux penseurs bien pensants j'inspire le dégout.
Tout cela est choquant, mais que veut-il prouver ? Il pousse le lecteur à le désapprouver. Quel intérêt y-a-t-il à être honni du monde ? Un poète n'est pas un servant de l'immonde !
Ecoutez les donc tous, ces gardiens du temple Dégoiser doctement sur ce qui est l'exemple, Excommuniant d'un trait ou portant au pinacle Décernant les médailles, entre eux, dans leurs cénacles.
Enragés, ils seraient, dans leur esprit étroit Prêts à m'exécuter sous les remparts de Troie. La raison ? Lisez-donc ! Ces rimes vont par trois !
Alors, je vous le dis, vous qui êtes mes juges : Incendiez mes écrits, traitez moi de transfuge, Reniflez de dédain si je me veux félibre, Étant hors de vos rets, je suis un être libre.
Janvier 2016
(*) Allusion au poème « Le chien et le flacon » de Charles Baudelaire.
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