Sur une page blanche

Tu voudrais dire
Dompter la ligne jusqu’à ce que lettres se forment
Mais ta main suspend sa jonglerie
Juste là
Au-dessus de la page

Comme autrefois
Quand tu imaginais des fantasmes sur le ventre des femmes
Tu veux que ton dessein se réalise

Tu mélanges des maux
Rassemblés à la hâte
Qui s’ordonnent en soupirs
Mais tu n’as pas digéré tout le plein de ta tête
Des bâillements trahissent l’amertume de ta bouche

Comme des chats de faïence
Les choix se regardent sans bouger
Les fleurs ombragent le parcours
Les doutes jonchent les plates-bandes
L’abeille trop gavée de pollen a perdu de vue la ruche familière.

C’est le petit garçon qu’on retrouve à la marge
Boudeur
Il prend le large dans l’espoir qu’Éole lui souffle des mots

La nuit s’éclate
Des éclairs transpercent l’oubli
À te mordiller l’âme
La muse est revenue
De ton cerveau bouillant
En volutes
Fument des émotions que dessine le propos
Et les traces de tes pas s’impriment

Tu voudrais dire
TOUT…
Mais tu ne sais rien encore des couleurs d’espérance et de désespérance
Des mots qui disent fort ou ténu
Des mots enveloppés
Tu peins des arcs-en-ciel sans être le seul maître

Tu voudrais dire
La glace après un hiver long
La lune qui gonfle les marées
Les mots se bousculent irascibles
Que le soleil brille
Aveugle tu deviens

Alors tu attends
Jusqu’à ce que les mots s’imprègnent de toi
Se jettent dans le vide
condamnés à s’étaler
Non sans dévoiler quelques secrets
Non sans arracher du fond de la mer nourricière
Le limon
Poème étendard de ton pays intérieur

Bernard Legault, 2014