Il a le dos un peu voûté
Des êtres qui ont trop vécu
Et le regard un peu voilé
De ceux qui ont beaucoup perdu
Il aime volontiers évoquer
Ses proches à jamais disparus
Et la société regrettée
D’un temps qui ne reviendra plus

Il a les paupières fatiguées
Des êtres qui ne se mentent plus
Et la sagesse un peu figée
De ceux qui ont trop combattu
Mais il sait encore écouter
La vie, les vices et les vertus
Et son sourire un peu ridé
Trahit à peine ses rêves déçus

Il a encore de la prestance
Même s’il est bien souvent assis
Il accepte la déchéance
De ce corps qui désobéit
Tout en refusant l’indolence
Il fait travailler son esprit
Il estime avoir de la chance
Et apprécie encore la vie

Il a encore de la présence
Il hausse le ton quand on l’ennuie
Et sans se fier aux apparences
Il apprécie ce qui est joli
Parfois comme par inadvertance
Il feint d’oublier ce qu’on dit
Il y a souvent de l’insolence
De la malice dans ses yeux gris

La solitude lui pèse très peu
Du moins c’est ce qu’il affirme haut
Il plaint même tous ces malheureux
Qui mendieraient un geste, un mot
Il dit que quand il se sent vieux
Il prend son appareil photo
Et sort photographier le bleu
Du ciel, des fleurs ou des oiseaux

De ses amours il parle peu
A peine parfois de sa Margot
Celle qui avait de l’or dans les yeux
Celle qui est partie bien trop tôt
Il dit qu’il ne croit pas en Dieu
Ni dans ce qu’il y aurait là-haut
De toute façon il est trop vieux
Pour faire confiance aux idéaux

C’est un vieil homme comme beaucoup
Avec de l’amour à donner
Riche de ce passé un peu flou
Que peu de gens savent écouter
Quand il a vraiment mal partout
Il sait qu’il peut téléphoner
A un docteur, oui mais c’est tout
Il ne soignera que sa santé

C’est un vieil homme comme partout
Un peu trop seul, presque oublié
Il a de la famille, mais où
Trop loin, trop prise pour y penser
Il sait que c’est un monde de fous
Alors comment leur reprocher
Ils ont leurs joies et leurs dégoûts
Sûrement trop durs à partager