Quand les gens croisent ce motard,
Au Croisic, en Loire-Atlantique,
Et qu’ils voient comme il est gaillard,
Sur sa superbe mécanique,
Ils se disent : « Eh ben, merde alors ! »
En voyant ce nonagénaire,
« Une bécane il a encore,
Mais comment diable peut-il faire ? »
Il aura quatre-vingt dix ans
À la fin de cette année même,
Mais ce n’est qu’à soixante-cinq ans,
Qu’il s’est payé une BM.
à Nantes, avec ma Jacqueline,
On se promenaient, tous les deux,
La moto derrière la vitrine,
Moi, je la dévorais des yeux,
Quand vint le jour de la retraite,
Elle me glissa un petit mot,
Puis elle rit en voyant ma tête :
C’était un bon pour une moto.
Elle sut deviner ma passion,
Me donna sans que je demande,
Oh ! La merveilleuse intuition,
Et que d’amour dans son offrande !
Jamais, ma pauvre Jacqueline,
Ne s’est callée derrière mon dos,
Et n’est montée sur mes motos
Au logo en forme d’hélice.
Moi, lorsque j’étais boulanger,
Avec les quintaux de farine,
Mon dos fut vite ravagé,
Je ne pouvais courber l’échine.
Un jour, j’ai quitté le fournil,
Afin de changer de boulot,
Pour mener une vie facile,
Et sans devoir me lever tôt.
Ne suis un motard du dimanche,
Vingt-mille bornes, cette année,
Elle me fait bien souffrir ma hanche,
Mais je fais de belles virées.
Entre le Croisic et Auray,
Deux cent kilomètres tout rond,
Mais rien ne pourrait m'arrêter,
Avec mon casque et mon blouson.
Et pour aller jusqu’à Sainte-Anne,
La jolie route est sinueuse,,
Elle n’a pu combler, la Bretagne,
Toutes mes envies vadrouilleuses.
Les gendarmes furent ébahis,
Lorsque le casque il a tombé,
De toutes ses dents il a souri
Découvrant un front tout ridé.
D’autres agents, fort bienveillants,
Sous escorte l’invitèrent à faire
Une pointe à plus de deux cent,
Ce qui n’eut pas l’heur de lui plaire.
Il n’aura perdu qu’un seul point,
En ses vingt-cinq ans de moto,
Pour excès de vitesse bénin,
Il bride toujours ses chevaux.
Et si François, pour son malheur,
Avait, un jour, un gros pépin,
Il est pratiquement certain,
Qu’il se serait mis dans son tort,
Car, si aisément l’on excuse
Les grands écarts de la jeunesse,
Bien plus promptement l’on accuse,
La moindre erreur de la vieillesse.
Dumnac