Ma poésie, ô ma nation, mon empire,
Il n’est pas un seul mot et pas un mouvement
Qui ne voit la clarté par toi, qui ne respire,
Et je suis ton chemin, j’espère, dignement ;
M’accueillant en ton sein comme une douce mère
Je sais que ton amour ne peut-être éphémère
Et je voudrais te rendre une goutte de lait
Mais, trop souvent, mes vers ont un visage laid !
Inspire-moi, ma belle, un douloureux poème,
Un pantoun, un sonnet, une ballade, un lai,
Pouvant justifier mon esprit de bohème.

Sois brutale, sois douce, et, que la mort, sois pire
Mais ne me laisse pas subir le châtiment
Du poète banal qui jamais ne s’inspire
Que d’un jour insipide et de son boniment ;
Je ne veux pas moisir dans la rime primaire,
Ni laisser se gâter la règle de grammaire
Comme s’il s’agissait d’un reste de balai !
Mon œuvre ne doit pas être un entrefilet,
Ne craignant une peine et pas plus l’anathème
Ma toile, je la veux dessus un chevalet
Pouvant justifier mon esprit de bohème.

Je voudrais que mon sang soit bu par le vampire
Du verbe élogieux me servant d’aliment ;
Autorise-moi donc à pénétrer ta lyre
Afin d'alimenter mes mots de ton piment !
J’aimerais mélanger le juste et la chimère,
Les mots réels et ceux de la moindre commère
Afin que mon poème offre à tous un ballet
Au-dessus d’une mer ignorant le filet !
Permets-moi d’être libre et, grâce à ton baptême,
De sculpter ta parole à l’aide d’un stylet
Pouvant justifier mon esprit de bohème.

Dès lors que je serai dans ta sanglante spire
Ta lame de bonheur saura, sauvagement,
Sur ma chair dessiner la rime que j’admire
Et me pousser ainsi dans mon retranchement ;
Je veux vivre chez toi sans être un vacataire,
Un passant anonyme et tel un locataire !
Pour écrire, je veux une main au collet
De ta page et jamais devenir le valet
Qui n’en voit qu’une tombe et son froid chrysanthème !
Offre-moi ta musique ainsi que ton archet
Pouvant justifier mon esprit de bohème.

Je n’aurai que le beau comme seul point de mire
Rassuré que ton cœur émette un sentiment
Que les yeux, Ô jamais, dessus le cachemire
Ne doivent se fermer quand ils aiment vraiment !
Laisse-moi devenir une clarté lunaire
Et je m'envolerai dans mon imaginaire
Sans oublier pourtant que l’ultraviolet
Ne doit jamais souffrir derrière mon volet !
Ma poésie, approche, écoute mon Je t’aime
Car il ne peut pas être, un jour, un feu follet,
Pouvant justifier mon esprit de bohème.

Et ma plume sera comme ce piolet
Aidant le montagnard à gravir le sommet !
Je toucherai la crête où fleurit le poème
A sensibiliser le plus subtil gourmet
Pouvant justifier mon esprit de bohème.