C'est pour mercredi
Mes enfants, j'ai reçu mercredi votre lettre
Comme un simple bonheur qui au cœur me pénètre.
Dès que je la relis un frisson me parcourt.
Pour vous le temps est long, pour moi il est si court.
Je suis dans de beaux draps.
A vos tendres appels, je reste très sensible.
De vos flèches d'amour, j'aime en être la cible.
Ne m'adressez plus de dessins, les murs sont pleins.
Voyez, on reçoit du courrier et on se plaint !
Je ne suis qu'un ingrat.
Non, je ne viendrai ni à Noël ni à Pâques,
J'ai encore du travail dans cette baraque.
J'ai mis votre photo sur mon grand bureau,
J'ai mis des guirlandes autour de mes barreaux.
ça a beaucoup d'éclat !
J'espère que tout se passe bien à l'école
Apprenez, travaillez, c'est ainsi qu'on décolle !
La vie, c'est bien connu, ne fait pas de cadeau.
L'argent va à tous ceux qui possèdent un château.
Croyez-moi, c'est le cas.
Il faut que j'arrête, on va couper la lumière.
Je vais vous embrasser pour une fois dernière.
N'écrivez plus, je vais bientôt quitter ces lieux.
Je change d'adresse, je vais sous d'autres cieux.
Vos plis ne suivront pas.
Soyez sage et obéissez à votre mère !
Dites-lui que je l'aime d'un amour sincère.
Et dites-lui aussi, le directeur l'a dit,
L'exécution se déroulera mercredi.
Elle me comprendra.
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Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ! (Alfred de Musset)