Plume d'or Inscrit le: 19/6/2016 De: Envois: 1951 |
11 NOVEMBRE La peur
L’aube se lève sur le champ de bataille J’ai une forte douleur venant de l’estomac L’envie de vomir mes tripes, de vider ma peur Car ce soir, je ne verrais pas le soleil se coucher.
Dans deux heures, sur le coup de sifflet de l’officier Je vais sortir de la tranchée, baïonnette au canon Galvanisé par la haine, il faut casser du boche Ces salauds qui ont envahi mon pauvre pays.
Encore un peu de temps, regard sur des photos jaunies Et sur des lettres froissées, un moment de nostalgie De ces doux souvenirs du passé, de ces moments heureux Mon esprit s’embrume, je dois réagir, ce n’est pas le lieu.
Mon capitaine regarde fébrilement sa montre Compte les minutes et soudain il arme son révolver Le son perce le silence de la nuit, c’est le départ Vers l’abîme, la montée vers l’enfer, de fer et de feu.
Je sors de mon trou, comme les autres soldats Les mitrailleuses crachent leur fiel de projectiles Un camarade tombe, une balle en pleine tête Sa cervelle se répand sur mon uniforme.
Les canons se mettent à tonner, les obus à tomber Autour de nous, un éclat arrache le visage d’un copain Il hurle de douleur, le sang pisse à longs flots Je dois continuer, je ne peux m’arrêter.
Nous arrivons au niveau d’un rideau de barbelés L’ennemi continue à tirer, à faucher les jeunes gens L’un d’eux est accroché aux fils de métal Il a les entrailles qui lui sortent du ventre.
Vingt minutes de fin du monde, de durs, d’âpres combats La moitié de la troupe est décimée, morte ou blessée Et voilà enfin l’ennemi, je le vois comme il me voit Nous sautons dans la tranchée, pour le tuer.
Face à face, homme à homme, corps à corps Nous nous battons à coups de poignard ou de pelle J’enfonce ma lame dans le cœur d’un allemand Je sens sa vie partir, il est crevé l’ordure !
La peur (2),
Je m’appelle Hans et je suis allemand Mon père a péri dans les tranchées de Verdun Tué au cœur d’un coup de couteau par un Poilu Je ne l’ai pas connu, je n’avais que cinq ans.
Enrôlé dans la Wehrmacht, nous avons envahi En un mois la Pologne, la guerre commence Déclenchée par la folie d’un homme dénommé Hitler, six années d’horreurs absolues.
Je n’ai rien demandé, seulement subi Je l’avoue, endoctriné par un fanatique Le peuple a suivi le Führer vers l’enfer Atteint par les maux les plus infects.
Pourquoi ? Ai-je participé à l’abominable Au pire, à la négation totale d’êtres humains A leur méthodique anéantissement programmé On se disait supérieur à eux, mais en quoi ?
Aujourd'hui !
Nous sommes petits enfants de boches et poilus Nous ne voulons plus de guerre, mais que la paix Nous pensons à tous ces morts, pour notre salut Plus jamais çà ! Ils méritent notre respect !
C’était un trou de verdure
C’était un soir d’été, dans la douceur des prés Quand le soleil est las, d’éclairer la journée Que le vent cesse de souffler dans les cyprès Je me sens libéré, d’un travail acharné. Allongé de mon long, sur un tapis de fleurs D’herbes folles, que les derniers rayons me charment Caressent doucement, de leurs doigts cajoleurs Ma peau, je m’endors enfin, à l’ombre d’un charme.
Il est doux de rêver, de pouvoir s’évader De vider son esprit, des mauvaises pensées Je me revois enfant, heureux de gambader Dans les champs de blés et de cueillir des pensées.
Nostalgie ! Tu me tues, d’aimer, ces temps d’antan J’ai mal à l’âme, je veux fuir, tout oublier Car je t’en veux, à me rappeler ces instants De bonheur, pars ! Va-t’en ! Dois-je te supplier ?
Pourquoi me faire souffrir ? Cruels souvenirs J’étais heureux et insouciant, j’aimais la vie Tout était beau et grand, j’avais un avenir Et un jour, plus que maudit, la mort m’a surpris.
Je suis l’inconnu, sur la stèle funéraire La guerre, ce n’était pas les flonflons du bal Tombé au champ d’honneur, à côté de mes frères Deux trous, côté droit, je suis le dormeur du val !
Mon amour, mon aimée
Mon amour, mon aimée, je t’écris cette lettre Le temps est gris, il pleut depuis tôt ce matin Et un froid glacial engourdi tout mon être Sans pouvoir te voir, mon moral est atteint.
Je reste à mon poste à surveiller l’ennemi D’en face, mais il peut surgir à tout moment Prêt à tuer un gars qui n’est pas mon ami Car je le sais, la guerre n’est pas un roman.
Mon amour, mon aimée, si je meurs aujourd’hui Tu mettras dans ma tombe, mes fleurs préférées Un joli bouquet rouge, ainsi que quelques fruits Des livres de qualité, ceux que je dévorais.
Je ne la crains pas, je n’ai pas peur de la mort Elle peut venir un soir au détour d’un chemin M’annoncer la fin, ainsi prévenu du sort Réservé, mon sang n’a pas l’odeur de jasmin.
Mon amour, mon aimée, pour la folie des hommes Tu seras surement veuve, je ne serais plus Tu regarderas les photos de notre album En pensant à nous, à ce bonheur révolu.
Si mon corps ne doit pas pourrir au fond d’un trou Et que je revienne atrocement blessé La gueule cassée, auras-tu un vrai dégoût A me voir ainsi, tu ne pourras l’encaisser.
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