23 Hommage à Malthus
Mes amis, nous sommes trop nombreux sur cette planète,
Les éléphants meurent dans les savanes, ils n’ont plus d’eau,
Ni de chance,
L’absence des poissons est cruelle dans les filets des chalutiers,
Les huitres tombent malades à chaque nouvelle marée,
Nos rivières se nourrissent de nitrates, d’acides,
Nous élevons des poulets par millions dans des cages,
Mes amis, nous sommes si nombreux à vouloir notre pain, notre viande,
Les villes grossissent dans la démesure,
Les banlieues mangent nos champs, nos cultures vertes,
Et les insectes disparaissent sur les brins d’herbe, dans les étangs,
Et tout ceci commence, recommence, sur les montagnes du Montana,
Je ne vois plus d’oiseaux, linottes, mésanges, rouges-gorges dans mon jardin,
Je ne vois plus de coccinelles sur les fleurs, Ã droite des collines,
Mes amis, nous sommes trop nombreux sur cette planète,
Tout le monde pense à autre chose, se cache d’une main,
Et les abeilles ne retrouvent plus leurs ruches, elles se perdent, sous nos yeux,
Meurent épuisées dans les coulées de béton,
Et plus nous sommes nombreux, plus l’espace est cher, les prix montent,
Nous rasons alors les forêts, comme de vulgaires allumettes,
Nos villes brûlent sous les gaz des voitures, sous les coups de marteaux des brumes,
Les nuages tombent, toxiques et chauds, sur nos bâtisses de briques,
O que de toits arrachés, que d’orages, que d’éclairs enflammés,
Nous sommes trop nombreux sur cette planète, et vous nous regardez,
Nous sommes trop nombreux sur les routes, dans les avions qui atterrissent en Pennsylvanie,
Mes amis, De nos plaines nous sommes redevables,
Les arbres vont mourir pour mille raisons par notre faute,
Mes amis, peut-être que demain, ne sera plus vivable en Europe,
Les ciels vont s’obscurcir, de la Chine au Pérou, o Ciels d’antan, comment vous
Oublier ? Comment ne pas pleurer ?
Mes amis, nous sommes trop nombreux sur cette planète,
L’air n’est pas une chanson, mais un bol d’air est une prière,
Ne nous disputons pas pour une place sur une plage,
O tristes sables, vous devenez si rares, nos villes s’agrandissent,
La mer meurt surement,
Il n’y a plus de place dans les campagnes d’Antan,
Le silence manque à nos maisons, à nos rues de verres,
Les métaux ont disparu l’un après l’autre,
Les mots me manquent autant que le zinc, le nickel, l’uranium
Ou le phosphore,
Nous sommes trop nombreux sur cette planète, pauvres amis,
Regardons-nous enfin, dans l’eau des rivières, dans les feuilles
D’eucalyptus, ou de bananiers,
Regardons-nous car il est tard, dans les racines des chênes,
Ouf, voyez la vérité chez les fourmis, les baleines, les lions,
Nous sommes trop nombreux sur cette planète,
Le ciel ne veut plus de nous, ni d’eux,
Bénissons nos enfants.