La fille de l’impasse avait les yeux si bleus
Que j’en faisais des mers où voguaient mes navires,
De ceux que l’on bâtit quand on est amoureux,
De beaux et fins voiliers qui jamais ne chavirent.

La fille de l’impasse était une catin
Et mes bateaux sombraient au gré de ses naufrages,
Pourtant pour elle moi j’inventais des refrains
Qui chantaient un à un tous ses plus beaux voyages.

La fille de l’impasse un soir a disparu
Un sale coup de vent, un ouragan peut-être,
Elle a du s’échouer sur un îlot perdu
Je la guette parfois derrière ma fenêtre.

J’imagine qu’un jour elle me reviendra
Sur quelque vieux gréement, un radeau de fortune,
J’écris encor des mots que je lui dis tout bas
Comme ceux que l’on dit en secret à la lune.

La fille de l’impasse elle habite mon cœur
Dans le quartier paumé des amours de jeunesse
J’y vais de temps en temps, fidèle promeneur,
Retrouver le parfum des anciennes caresses.

Et pour peu que le ciel bleuisse à l’horizon,
Pour peu qu’une sirène au lointain se lamente,
Je me sens à nouveau l’âme d’un moussaillon
Tout prêt à embarquer sur les vagues brûlantes.