L’ENFANT ATTEND…

C’est l’automne. L’ Aïd approche à pas lents
Tous les soirs, l’enfant attend, impatient,
nourrissant cependant l’espoir ardent
de voir son père amener un mouton
qu’il traînerait par la corde sans façon

Mais hélas ! son père vient seul tout le temps
Il voit les enfants tenir leurs moutons
courir avec eux, fiers et contents,
s’arrêter parfois pour les laisser paître,
repartir ensuite avec eux sans être
effrayés par leurs cornes ou paraître
soucieux qu’ils n’échappent pour disparaître
au loin, bien loin dans les cours et les champs

Il s’approche d’eux, le regard honteux,
n’osant rencontrer leurs regards curieux
« Bientôt, père nous achète un mouton »,
dit-il, avec un sourire douteux,
le cœur si déchiré et larmoyant
« L’année dernière, souvenez-vous -en ,
notre bélier avait de longues cornes
Son zèle au combat dépassait les bornes
Personne n’osait, excepté mon père,
l’approcher et le sortir en plein air »

Alors, les enfants du regard acquiescent
lui vantant de leurs moutons la tendresse,
mais aussi leurs petits tours malicieux
qui les font rire et jouer avec eux
L’enfant oublie son espoir un moment
et s’engage dans le jeu pour de bon

Quand vient le soir, et rougit l’horizon,
posté au bout du chemin tortueux,
l’enfant épie l’arrivée de son père,
angoissé ; pourtant l’espoir qui l’émeut
anime son petit monde et l’éclaire

La veille de l’Aïd, il voit son père,
encore tout seul, sans mouton derrière !
Il porte un couffin apparemment plein
Sans mot dire, il le confie à la mère
Elle l’ouvre : « De la viande ! C’est pour demain
On aura bien du méchoui pour chacun »

Et l’enfant, abasourdi, voit la scène,
ne dit mot, se couche tôt, l’âme en peine
Le bêlement dans la nuit se déchaîne
et avive une douleur qui l’enchaîne

Mahmoud Ben Jemâa
7/12/2008