Un bruit sourd gronde en moi : le bruit de la famine.
Devant sa vacuité, l’estomac se rebelle
Et me reproche ainsi, en sombres décibels,
De l’avoir négligé comme chose anodine.
Pourquoi réclame-t-il avec autant d’ardeur
De quoi être rempli, de quoi être comblé,
Tandis qu’il s’évertue à tout vouloir stocker
Sous les plis de ma peau, sous mon ventre en rondeur ?
Tire-t-il du plaisir Ă me voir bedonner
En baudruche pansue qui lui est annexée ?
L’inflation de ma taille, sur lui, s’est indexée
Et le taux a grimpé, oui, jusqu’à s’envoler.
La croissance effrénée de ma valeur gastrique
M’inquiète au plus haut point : c’est du capitalisme,
C’est de l’exploitation, c’est du consumérisme !
C’est du gras pour du gras, sans conscience des risques !
Mais lui s’en défendrait, il fait ça pour mon bien.
Ce n’est que du progrès, il en veut toujours plus.
Pour ce trader guidé par l’appât du bonus,
Mon corps n’est qu’un produit, ma santé ne vaut rien.
Comment le renvoyer, ou m’en débarrasser,
Quand je dépends de lui pour m’assurer de vivre ?
Devrais-je, condamné, continuer à le suivre
Ou bien puis-je espérer de voir un krach boursier ?
Cela suffirait-il, un moment de déprime
Sur le marché sans fin de l’alimentation ?
Non, je dois le contraindre Ă la renonciation
Et faire un coup d’état pour changer de régime.
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LĂ©muel
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