Il y a dans nos maisons, des meubles refermés,
De ceux qu’on s’engage à toujours astiquer,
Années après aînés,
Que les anciens nous ont légués,
Peut-ĂŞtre pour nous condamner,
A ne pas cesser de nous rappeler…
Il y a dans les tiroirs, des ouvrages aux couvertures ébréchées,
Aux jaquettes tellement usées,
Par tant d’heures à bout de doigt passées,
À se figurer, s’imaginer,
Dans les histoires de si vieux contes,
Mademoiselle et Monsieur le Comte,
Recto verso qui se racontent,
Et s’affrontent pour des mécomptes…
Il y a les livres de ces autres comptes,
Lorsqu’à la vie des hommes il fallut des acomptes,
Ceux oĂą, parfois entre les chiffres, il reste encore la honte,
Celle du quelconque
Ou du quiconque…
Il y a des livres beaux à en être fréquenté,
Où s’apparient de si belles brassées,
De ces fleurs rigides de trop de majesté,
Éclaboussures brillantes sur papier glacé,
Qui jamais n’auront à se faner,
Sublimes dans l’éternité…
Il y a des rivières arrêtées,
Des cascades figées,
Dont le flot ne pourra plus couler,
Ni mĂŞme effaroucher
Les enfants qui auraient pu s’y baigner….
Il y a des albums brochés,
Qui séquestrent des clichés, aux couleurs parfois effacées,
Parfois marron glacé, par le jour altérées,
OĂą des silhouettes et des figures semblent guetter
L’instant qui va les libérer,
Quand le temps de pose enfin terminé,
Ils pourront s’en aller,
S’aventurer,
Et entamer le passé…
Et puis il y a mes cahiers,
Aux pages quelquefois collées
Parce que l’encre n’avait pas tout à fait séchée
Lorsque je les avais refermés.
Il y a des tracés déformés,
Ceux des mots qui se sont mélangés
Et puis se sont acoquinés
A force de n’être pas rangés.
Il y a des points et des virgules, qui viennent animer
Une ligne presque terminée.
Il y a des rayures bien appuyées,
Des écrits que je n’ai pas validés,
De ceux sans doute, que j’ai désavoués…
Au fond des feuilles, il y a encore mes pensées,
Sur les traits, là , posées,
Celles que j’ai d’abord ébauchées
Avant que les taper,
Pour vous les faire passer.
Il y a tout ce que j’ai été,
Des songes, des joies, des rêves regrettés,
Ce que j’ai un jour désiré,
Tout ce que j’aurai voulu osé,
Ce que je n’ai pas pu oublier,
Ce qu’il me reste à consommer,
Et ce qu’il me faudra laisser...
Un jour dans leurs maisons, il y aura ces meubles légués,
De toutes nos mémoires chargées,
Peut-ĂŞtre pour les condamner,
A toujours se rappeler…
A Fleurs de Vers 2010
----------------
Françoise Pédel Picard