Je me pose des questions sans réponses
Et je regarde les arbres de ma tribu
Les arbres ont déchiré leurs racines
Ont vendu leurs feuilles au féodal
Ont confié leurs oiseaux au vent
Ont préparé leurs valises
Et se sont envolés
Vers l’acier et la mine
L’indifférence et la solitude
Le cauchemar et le silence
La nostalgie et la peur
Pour nourrir leurs oiseaux
Mais leurs racines refusent d’épouser
Cette nouvelle terre
Frigide et glacée
Leurs mains flétrissent
Déchirées et usées
Par ce ciel si bas
Menaçant et mauvais
Ils ont besoin d’espace
Du vent de la prairie
Et du soleil qui n’est pas là
Ils sont froids et las
Ils crachent le charbon des mines
Et vomissent la peinture des usines
De Monsieur FIAT
Ils ont mal au dos
Chez Monsieur Renault
Ils pleurent leur prairie
Dans les quartiers sales
Dans les bars imbuvables
Dans les ghettos invivables
Devant la photo nue
Regardez-les ! Mes arbres
Qui donnaient les nids et l’ombre
Les fruits et l’eau
Aux oiseaux
Regardez-les !
Dos courbés
Membres ankylosés
Testicules pendues
Yeux apeurés
Têtes perdues
Entre le passé et le présent
Entre l’argile et le béton
Regards affolés et méfiants
Corps lacérés
Par le matelas glacé
La chambre où ils meurent à dix
Les repas qui ne sont pas assez
Marocains
Le patron qui est trop exigent
Le regard des autres
Qui ne les voient pas
Qui ne les saluent pas
Qui ne leur sourient pas
Qui ne les acceptent pas
Et Aïcha qui n’est pas là
Je la regarde dans le plafond
Elle court dans les champs
Pieds nus
Cheveux dans le vent
Corps dansant
Yeux riants
Rire qui défie le soleil
Et fait chanter les oiseaux
Ô Aïcha la chaleur
Aïcha la vie !
Ici
Les femmes de chez « France-oise »
Sont froides et absentes
Laides et indifférentes
Rigides et exigeantes
Et il faut faire vite
Il faut faire vite!
La queue est longue le jour de paie
Je ne peux pas...
Je suis blessé et je souffre
J’ai besoin du vent et du soleil
de la plaine et du ciel
Du pain et du miel
Je retournerai à ma prairie
Je coudrai mes racines
Je rachèterai mes feuilles
Je remettrai mes oiseaux dans leurs nids
Et j’irai rire dans les champs
Avec Aïcha
Et que la bourrasque vienne !
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Agadir, 1980
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!