Je suis une fenêtre
Ouverte sur la vie
Ne fermez pas mes volets
Laissez-moi regarder la vie
Je vois les habitants de mon quartier
Vaquant à leurs diverses activités
Savourant leur monotone tranquillité
Comme si de rien n'était
Sans jamais se préoccuper
de ce qui se passe ailleurs
Sous d'autres cieux
Ils apprécient mieux
Ce qui se passe chez eux
Sous leurs propres yeux
D'ailleurs
Leur misère leur suffit!
Je vois Si Ali le retraité
Maniaque d'hygiène et de propreté
A l'affût de la moindre saleté
Hurlant avec rage et sévérité
Que nous vivons dans un monde
Sale, répugnant et immonde
Je vois l'épouse coquette du douanier
Qui adore faire tinter ses bracelets
Se maquiller, se parfumer et s'exhiber
Comme une poupée
Sans aucun état d'âme
Elle aime monter ses charmes
De femme fatale
Et exciter les mâles!
Je suis une fenêtre
Ouverte sur la vie
Ne fermez pas mes volets
Laissez-moi regarder la vie
Je vois la fille du banquier
Sur le chemin des écoliers
Mignonne, radieuse et belle
Son cartable plus grand qu'elle
Sur le dos
Lourd fardeau!
Je vois Aïcha la vieille pie
Qui surveille, renifle et épie
Faisant le guet
Toujours aux aguets
Sa curiosité malsaine
Fait tant de peine
Elle a tous les dossiers
Des habitants du quartier
Rien n'échappe à sa vigilance
Elle étouffe par sa présence
Quelle outrecuidance!
Je vois Si Slimane le cordonnier
Vêtu de ses plus beaux habits
Sous le bras son petit tapis
En route pour la mosquée
Égrenant son chapelet
Psalmodiant quelques versets
Du Livre Sacré
Ne cessant de prier
Pour que Dieu veuille lui pardonner
Ses erreurs, ses travers et ses péchés
Et se sentir en paix!
Je vois Hassan le chômeur diplômé
Partir au café de sa monotonie
Pour passer sa longue journée
A tuer sa misérable vie
En jouant aux mots fléchés
Sirotant son café noir
Fumant la cigarette des déboires
Quel désespoir!
Je suis une fenêtre
Ouverte sur la vie
Ne fermez pas mes volets
Laissez-moi regarder la vie
Je vois Brahim l'épicier
Plus ponctuel qu'un horloger
Ouvrant son magasin chaque matin
Pour vendre le sucre, le thé, le lait et le pain
Personne ne mourra de faim
Personne ne manquera de rien
Tant que notre cher épicier
Fait crédit à tout le quartier!
Je vois Souad la prostituée
Qui vient à peine de rentrer
Après une longue nuit de corvée
Pour séduire les hommes en état d'ivresse
Elle doit étaler son apparat et se joliesse
Chanter et danser avec allégresse
Fumer et boire à outrance
Se déhancher avec impudence
Quelle déchéance!
Je vois Hamid l'ivrogne
Toujours en rogne
Rentrant le matin
Puant le mauvais vin
Il bat sa pauvre femme
Au vu et au su des voisins
Et personne n'intervient
Elle n'a que ses larmes
Pour se défendre
Contre ce monstre
Cette bête, cet ogre
Ce mari tortionnaire
Elle supporte ce calvaire
Elle supporte cet enfer
Pour sa progéniture
Quelle misère!
Je suis une fenêtre
Ouverte sur la vie
Ne fermez pas mes volets
Laissez-moi regarder la vie
Je vois toute la journée
Vivre mon quartier
J'aime regarder
Les petits enfants jouer
Les ménagères travailler
Le facteur apporter le courrier
Les voisines se chamailler
Le soleil briller
J'aime écouter
Les vendeurs ambulants s'époumoner
Les postes de télévision crier
Le vent souffler
Les chiens aboyer
Les chats miauler
Les oisillons gazouiller
Les pigeons roucouler
L'eau couler
Et les hommes parler
J'aime tous les bruits
De mon quartier
Les bruits de la vie!
Je suis une fenêtre
Ouverte sur la vie
Ne fermez pas mes volets
Laissez-moi regarder la vie
Laissez-moi vivre ma vie!
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Agadir, le 20/1/2013
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!