Ce matin...
Un rayon de natte s’affaire sur la table.
L’odeur de pain grillé et l’arôme du café caramélisent les premières gouttes du matin sur la nappe étanche.
Avant la tartine beurrée que je dévorerai et le lait entier qui brûlerait,
pour tenir le froid au chaud et durer dans la foule des souvenirs…
Je revois mon père.
Ses gestes coutumiers, et ses voies circulaires ; roulant la cigarette ; le teint voilé de sollicitude ;
les mots tendres et délicats qu’il prononçait à peine, d’écoper le silence dans un champ rêvé.
Des va-et-vient perpétuant les jours soudés aux miens, combien l’Amour serait autant de pas qui me suivraient !
Rivée au feu qui chantonne dans la cheminée, m’acheminant vers la clairière du bois qui flambait autrefois…
Un nuage de dentelle effiloche les retours de la terre.
Fossé d’enfant lâchant l’essaim, dans un jeu d’aiguilles les rideaux de ma mère ont des rivières douces,
des vrilles et des marelles, qui ajoutent des jours Ă mes fenĂŞtres.
Ah l’odeur suave du café qui s’échappe de la tasse ce matin !
Qui répand ses climats dorés autour de la table et retombe dans l'osier sur le pain frais.
Avec la tranche d'espérance et ce qu'il restera de blé roulé dans un linge blanc, de fleurs brodé que l'on sème tout le temps.
Autant de moments que je savoure, et ralentis volontiers en traînant autour ;
comme mon chat roux à mes côtés, qui tire l’ouvrage dans son périmètre pour me garder dans sa patte de velours.
Même la pendule qui ramène l’outil et compte les jours, sonnant ses heures et ses demies au centre de l’unité,
ne m’arrache pas à l’instant de toujours.
Cette fragrance persistante de pain travaillé qui dilate les pores !
Le brouillard autant que le lait, battant le drap avec le temps sourd !
Est-ce le feu ou je ne sais quoi dedans qui Ă©tincelle d'une plainte ?
Ballon porté… un vent d’ailleurs à l’écoute des flammes, frappe ses jours.
Sous le fleuron des lanternes, les ailes du moulin déploient au large un soupir.
Et toutes les rames ramassent le ciel dans les Ă©clairs.
Ema