Plume d'argent Inscrit le: 10/8/2023 De: Envois: 217 |
le litchi, l'araignée et le jardinier. (un litchi, un jardinier et une araignée en protagonistes principaux + quelques intervenants secondaires que vous découvrirez au long de la lecture) (Un peu long...à lire avec curiosité. Un mélange de prose et de figures poétiques, teinté de romantisme jardiné, et animé par des jeux de mots qui j'espère enrichiront le sens de la lecture...et de la relecture)
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Sous une futaie en chênaie, nos trois compères conversaient élégamment sur la manière de conter le temps qui coule des jours s’égrenant. Le printemps, s'il est un témoin privilégié d'escapades en émois, ne dure que les quelques temps du vol d'une hirondelle. L'araignée en proie à la chasse à tire d'ailes savait au fond d'elle comment mettre à profit ces quelques semaines pour tisser, au fil du végétal, ratures importunes et bonnes fortunes. Le litchi répondait qu'en tant qu'invité d'équipage étranger, il lui était malaisé de critiquer son fil, néanmoins sa fierté égratignée n'aimait pas ployer sous le voile imposant de son éminente voisine arachnide. En cela, il interpelait maître jardinier et son goût prononcé pour l'esthétique :" Mon grand Ami, pensez-vous que le fil décousu par le vol du taon autorise notre Eminence à ourler mon apparat si verdoyant d'un entrelacs aussi peu charmant, ô si long taon ?". Le jardinier, fatigué et las de ces querelles fadasses, ennuyé par le taon devenu menaçant, pensait plus volontiers à un autre étang qu'à régler cet intervalle de temps. « Le temps est devenu menaçant » reprenait-il en son for intérieur. « Mon étang va se remplir, je suis content ! ». Reprenant à voix audible cette fois le sale taon menaçant, il persifflait que le sale temps, aussi, à grand renfort de pluie allait régler en « pô de taon », de son accent paysan, le problème présent de ses deux compères. Le goutteux redonnerait du luisant à l’émérite poussant, et chasserait pour un temps la discorde tissant.
D’ailleurs, si le temps était changeant, d’état léger et primesautier, il se dégradait comme pour mieux alimenter à lui l’étang d’été qu’il remplirait de son humeur orageuse. Une autre d’humeur ombreuse est notre araignée, pas payée de son labeur, elle qui faisait contre mauvais taon grise mine. Elle réclamait à son tour l’assistance du maître jardinier afin qu’il protégeât de son habit, de l’araignée l’habitat. Le printemps s’en va, l’été s’en vient. Nul homme et nul paysan ne se satisferaient d’un moindre va et vient. Il lui faudra choisir entre ses envies d’évasion et l’Eminence de son cocon. C’était pour lui le temps du choix, et pas le choix, vulgaire, dans la date, mais le choix, grave, de hiérarchiser son amitié. Le temps est ainsi un tout vent tant qui dure, choisissant l’émérite quand il fait mauvais temps et optant pour les mérites quand il fait beau temps.
Les premières gouttes perlaient l’azur immédiat. A dos d’étang coloré se peignait l’habit de l’araignée. Quel dommage qu’il en fût gâché par l’impétrant temps, d’âge et de charge obscurs, rai de vie de tout ce qui nait et sera amené à mourir. Cette pensée fugace de fin donnait du grain à moudre dans la besace du paysan. Si le Malin préfère le pantin dansant et riant au bout de son fil, le paysan s’inclinera vers ce qui nourrit son appétit. Alors de l’Eminence qui retient l’eau de l’étang sur son fil, il préfère benoitement celui qui en échange de l’eau lui fournit le fruit de son labour, quand bien même serait-il mal né et malmené étranger. Le temps tel qu’il s’observe ne règle pas les querelles mais le taon si on veut bien l’écouter, quand il est venu, sert de passerelle entre l’importé et le mal aimé. L’été goutte à présent à sa faim. Dignitaire litchi en porte les fruits et personne, pas même le paysan du bout de son fusil ne vient lui en chercher querelle. « Vous voyez éminente araignée, je ne suis pas rancunier, et si j’ai accédé à vos demandes répétées de liaisons, qu’ai-je encore à vos multiples yeux, de dangereux ? ». Le différend n’est pas dangereux. Simplement le différent rend frileux. Ainsi livrées d’habit, belles ou dérangeantes, les vérités ne sont et ne seront toujours que litchi, araignée et jardinier, un étrange équipage apparemment distingué, amené à coexister, et de temps en taons à se quereller. Le fil de l’araignée sera toujours recousu et le taon également, toujours sera venu.
L’été crédité des promesses de sa fin, maître jardinier en chargeait les fruits-faim du litchi. Il acceptait même que s’y cache une petite araignée née du revers de l’habit et de l’envie d’évasion. Qui sait ce qu’il adviendra de ce métissage spontané. Peut-être les graines du plus beau des jardins secrets où naturellement le litchi, l’araignée et le jardinier continueront à discourir du temps qui passe sous le regard éclairé du taon, de l’étang et du temps.
--Luthopiste--
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