Il jeta subrepticement un regard par le fin interstice qui se dessinait sur la façade de la boîte aux lettres. Il sentit son cœur peser un peu plus lourd, son espoir s’effriter comme une roche mis à nue, s’effiler tel un vieux torchon usagé que l’on aurait mis en boule et balancé dans un coin sans la moindre attention. C’est avec ce poids malsain qu’il repartit en sens inverse, fâché de n’avoir reçu aucune lettre, bien qu’il sût parfaitement que, le facteur ayant terminé sa tournée depuis quelques heures déjà , il n’avait tout bonnement aucune chance de trouver le moindre courrier ! Il entama alors la remontée, cinq étages qui lui paraissaient l’Everest, inatteignable et fier, le toisant de toute sa grandeur, de sa fierté et de son orgueil.
I.
La première marche lui fut terrible. Il dut lutter contre cette voix nasillarde, aussi logique que malsaine, qui lui criait qu’il n’avait aucune chance, que c’était perdu d’avance. Il appela à l’aide tous ses souvenirs, ces jours heureux passés ensembles, loin de tous sous-entendus, loin de toute négligence. Des instants banals en soi, ordinaires, mais qui cachaient en leur manteau profond les marques d’un amour naissant. Mais, était-ce réciproque ? Il n’en savait rien, et cette question lui brûlait le cœur, le consumait avec une lenteur cruelle, comme des braises qui refusaient de s’endormir, profitant du moindre souffle pour renaître, plus démoniaques encore, plus avides de larmes. Il s’accrocha au crépis délabré qui ornait les murs, des murs fins trop fins, tellement fins qu’il semblait qu’un simple souffle, que la plus infime pensée aurait facilement pu les soulever et les déchiqueter, détruisant la vie de tous ceux qui en dépendaient. Ils auraient alors dû tenter de survivre coûte que coûte, envers et contre tout. D’essayer de reconstruire. Ensembles ?
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Le bĂŞtise des uns fait le bonheur des autres...