Plume de satin Inscrit le: 13/8/2009 De: Envois: 24 |
Billy, clandestin Je m’appelle Billy. J’adore Randy, le fils de ma famille adoptive. On s’entend bien tous les deux, on passe tout notre temps libre à jouer ensemble, on ne se quitte jamais. Ses copains sont très sympas, et m’ont vite intégré à leur groupe. Quel changement ! Quand je pense qu’il y a à peine 1 an, ma vie était un enfer… Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de mes parents. Mon père a disparu peu de temps après ma naissance sans plus jamais donner de signe de vie. Quant à ma mère, quand le propriétaire de son logement a appris qu’elle était enceinte, il l’a fait expulser de la maison. Maman n’a jamais voulu m’en donner la raison. Elle m’a juste dit qu’il ne voulait pas d’ennuis. Nous avons donc dû vivre dans la rue, maman et moi. Nous devions nous cacher car maman m’avait averti que si la police nous trouvait, ils nous mettraient en prison car notre situation était irrégulière dans ce pays.
Nous vivions dans une petite ruelle à l’abri du froid, entourés de poubelles et de cartons dans lesquels nous nous logions pour la nuit. Maman se rendait chaque soir à la boucherie pour récupérer la viande avariée dans les poubelles afin de nous nourrir. Nous avions poussé un seau sous une gouttière pour récupérer l’eau les jours de pluie. L’été, nous buvions et nous lavions dans la rivière, en périphérie de la ville. Malgré cela, nous étions heureux maman et moi. Jusqu’à ce jour fatidique où, alors qu’elle était partie à la recherche de notre repas du soir, des policiers l’ont capturée et emmenée dans leur fourgonnette. J’ai assisté à la scène, impuissant, tapi dans l’ombre à l’abri des regards, et j’ai vu maman pleurer, se débattre, alors que les deux policiers l’enfermaient de force à l’arrière de la fourgonnette. J’ai essayé de les suivre mais ils étaient beaucoup plus rapides que moi. J’ai hurlé de toutes mes forces, quitte à me faire repérer, c’était plus fort que moi. Depuis ce soir là , je n’ai jamais revu ma mère. J’ai dû apprendre à me débrouiller seul.
L’hiver de cette année-là fut particulièrement rigoureux. Je dus me résoudre à quitter ma petite ruelle sombre pour me réfugier dans un endroit moins exposé aux températures extrêmes. Malheureusement, dès que je trouvais une cave où me mettre à l’abri, je ne pouvais pas y rester plus de quelques heures de peur d’être attrapé par les propriétaires des lieux. Parait-il que les autorités offrent même une récompense à quiconque capturera l’un d’entre nous, sous prétexte que nous sommes dangereux car imprévisibles et porteurs de maladies contagieuses. Les hommes n’aiment pas ceux qui ne sont pas comme eux. Un soir, n’ayant trouvé aucun refuge, mes forces m’abandonnèrent et je m’évanouis. A mon réveil, certainement beaucoup plus tard, je fus surpris de me retrouver enroulé dans une couverture dans un endroit inconnu. J’avais même de l’eau et de la nourriture à disposition. A peine le temps de reprendre mes esprits qu’un homme entra dans la pièce. Je le reconnus immédiatement. Il s’agissait sans aucun doute de l’un des policiers qui avait capturé ma mère quelques temps auparavant. Il s’adressa à moi, mais je ne compris pas ce qu’il me disait. Je ne maîtrisais pas encore assez bien leur langue. Terrorisé, incapable de bouger, je fixais mon geôlier droit dans les yeux, dans une vaine tentative d’intimidation. Le bourreau m’attrapa alors par le cou et m’emmena de force dans une autre pièce. J’étais tétanisé, incapable de me défendre. Aidé de ses complices, il me força à m’allonger sur une table, et pendant que deux d’entre eux me tenaient pour m’empêcher de fuir, un troisième homme en blouse blanche me fit une série de piqûres et d’examens, tous plus désagréables les uns que les autres. J’avais l’impression d’être l’objet d’étranges expériences. Leur mission accomplie, ils me confièrent à nouveau au policier qui m’enferma dans une cellule étroite et humide, vide de tout contenu.
Je n’étais pas le seul détenu dans cette prison. Nous étions des dizaines. Tous, parait-il, étaient comme moi des orphelins. Nous n’avions pourtant rien fait de mal, mais les autorités de cette ville ne supportaient pas que nous souillions leurs rues, perturbant les passants qui nous évitaient comme la peste. Chaque matin, nous étions tous regroupés dans une grande pièce, libres de nos mouvements, sauf les malades et les boiteux qui restaient enfermés dans leurs cellules à l’abri des regards indiscrets. Des gens venaient nous rendre visite, et repartaient parfois avec l’un d’entre nous, après avoir rempli un nombre incalculable de formulaires que je ne comprenais pas. Finalement, on ne nous traitait pas si mal. Au bout de quelques temps, certains avouaient même trouver un certain plaisir à vivre ici. Ils s’y trouvaient mieux que dans la rue. Puis un beau matin, mon tour arriva. Randy et ses parents venaient visiter l’orphelinat. La directrice leur expliqua mon histoire (je commençais à saisir quelques mots dans leur langue), ils semblèrent émus, réfléchirent quelques instants, et décidèrent de m’adopter. Quelques formulaires plus tard, je repartais avec eux. La loi n’est finalement pas si compliquée dans leur pays.
Comme je vous l’ai déjà dit, j’adore Randy et sa famille. Ils sont très gentils avec moi, je mange à ma faim et ils m’ont même acheté des jouets. Je n’avais jamais eu de jouets avant, ça me plaît énormément. Randy et moi, on est comme des frères. On en arrive à oublier que j’ai été adopté. Je fais vraiment partie de la famille. On dort dans la même chambre Randy et moi, on est vraiment inséparables. La seule chose qui m’attriste un peu, c’est que je ne peux pas aller à l’école avec lui. Son papa ne veut pas. Il s’est mis en tête de faire lui-même mon éducation. J’apprends beaucoup avec lui, mais j’aimerais tout de même aller à l’école. Un jour, peut-être, il acceptera. Parfois le week-end, les parents de Randy vont voir des amis. Je n’ai pas le droit de venir non plus, ils m’enferment à la maison. Je n’ai pas l’autorisation de sortir sans eux. Mais je ne me plains pas. Ma vie est quand même très agréable par rapport à ce que j’ai connu auparavant. Leur religion diffère aussi de la mienne, mais je le respecte. Du coup, je ne peux pas entrer dans leurs églises, Dieu ne reconnaît pas les miens. C’est injuste me direz-vous, mais si je l’accepte, vous le pourrez aussi.
Enfin bref, assez parlé de ma vie, j’aurais tout simplement pu vous dire : « Bonjour, je m’appelle Billy, je suis un Golden Retriever. »
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