Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6525 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
130 utilisateur(s) en ligne (dont 113 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 2
Invité(s): 128

RomanNovel, cyrael, plus...
Choisissez
no title
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     Lapin blanc
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
benbouille
Envoyé le :  23/8/2009 0:04
Plume de satin
Inscrit le: 13/8/2009
De:
Envois: 24
Lapin blanc

Marc est un homme pressé. Il lui arrive souvent de rentrer tard le soir à la maison après avoir passé des heures au bureau à terminer de traiter les dossiers en cours. Sa carrière est ce qu’il y a de plus important pour lui, et pour mener ses projets à bien, il est capable de sacrifier tout le reste.

Angela vit avec Marc depuis deux ans déjà. Elle aussi à des projets plein la tête… Elle rêve d’une grande famille, d’une maison à la campagne où l’air est vivifiant, pas comme dans cette ville sordide où tout n’est que puanteur de gaz d’échappements et bruits assourdissants concentrés dans ces rues qui grouillent de gens stressés et qui déambulent entre deux rangées bien alignées de buildings parfaitement symétriques et sans le moindre charme. Angela n’est pas à l’aise dans cet environnement, dans son appartement de 30 m² dont le loyer est aussi cher qu’un mois de salaire et dont les murs sont si fins que l’ont peut sans arrêt entendre le couple de portugais d’à côté s’engueuler ou la jeune prostituée du dessus s’envoyer en l’air à longueur de journée avec des clients pas toujours discrets et raffinés.

Angela en a marre de cette vie là. Hier soir, Marc et elle se sont d’ailleurs une nouvelle fois disputés à ce sujet. Il refuse de parler de leur avenir. Le seul moment important, lui a-t-il dit, c’est le moment présent. Il faut en faire un maximum aujourd’hui pour pouvoir en faire plus encore demain, c’est comme cela qu’on y arrive. Et lorsque hier Angela à remis la discussion sur le tapis, le jeune homme s’est à nouveau emporté en lui reprochant de lui mettre des bâtons dans les roues pour sa réussite professionnelle alors qu’il trime tellement dur pour qu’ils puissent avoir, tous les deux, des conditions de vie meilleures. Puis il est une fois de plus parti en claquant la porte, rétorquant qu’il n’avait pas de temps à perdre à des discussions qui n’aboutiraient à rien et où chacun camperait sur ses positions. Il a, cette nuit encore, passé la nuit au bureau, délaissant Angela, seule chez elle entre les portugais d’à côté et la prostituée du dessus.

Cependant, Angela ne peut se résoudre à lui en vouloir. Quand ils se sont rencontrés, c’était vraiment un homme merveilleux, et elle espère que lorsqu’il aura atteint les objectifs qu’il s’est fixé, il redeviendra l’incroyable amant romantique qu’il a été. Pour se changer les idées, dès le lendemain matin, elle se rend au centre-ville pour trouver le cadeau idéal pour l’anniversaire de Marc, dans trois jours. Après deux heures de recherches infructueuses, elle s’accorde une pause en allant flâner devant la vitrine d’une bijouterie. Ce sont les bagues qu’elle admire d’abord. Poussée par ses élans de fantaisie, elle s’imagine son tendre amour, rongé par le remord après avoir pris conscience qu’il la négligeait, lui offrant l’une de ces splendeurs tout en lui promettant de rester toujours à ses côtés et de lui offrir la vie dont elle rêve depuis son enfance. Elle passait de bijou en bijou, ne sachant déterminer lequel lui ferait le plus plaisir, puis son regard s’arrêta dans le coin gauche de la vitrine, où trônait fièrement le cadeau d’anniversaire idéal pour son petit ami. Angela se précipita immédiatement dans la bijouterie, et en ressortit dix minutes plus tard, les yeux pétillant de joie à l’idée de l’effet qu’allait avoir sa trouvaille sur Marc.

Serrant fermement son petit sac qui contenait son butin dans sa main, elle reprit le chemin de la maison en se remémorant ces instants magiques, ces premières fois avec l’amour de sa vie. Elle revoyait particulièrement cette scène, amusante à l’époque, où Marc et elle venaient à peine d’emménager ensemble, et où elle s’était peu à peu rendue compte des difficultés qu’avait celui-ci à mettre son travail de côté, et de la faculté qu’il avait pour ne jamais rien remettre à plus tard et pour courir sans arrêt dans tous les sens, se disant pressé et prétextant qu’il n’aurait jamais le temps de tout faire s’il se reposait une minute. Angela avait trouvé agréable de voir à quel point son compagnon était capable de se donner à fond, et lui avait attribué un joli surnom « mon petit lapin blanc », en référence au roman qu’elle avait préféré étant enfant, Alice au pays des merveilles, dans lequel il est question d’un lapin blanc toujours pressé, se baladant avec une montre à gousset et criant à tue-tête « je suis en retard, je suis en retard !»

C’est donc avec bonheur et une fierté non dissimulée qu’Angela offrit à son bien-aimé une magnifique montre à gousset en or, identique à celle du lapin blanc du roman, à l’occasion d’un dîner aux chandelles dans un restaurant chic de la ville. Marc fut très touché de ce cadeau qui lui rappelait également les prémices de leur vie de couple et ils passèrent tous deux une soirée magnifique, loin de tout ordinateur, PDA ou téléphone portable. Ils regrettèrent seulement que la bijoutière n’ait pas trouvé utile de munir la montre d’une pile, et Marc promit d’aller en acheter une dès le lendemain matin. Il ne se doutait pas que sa vie venait de basculer avec ce cadeau.

Marc partit plus tôt encore que d’habitude ce matin-là. Il voulait absolument avoir le temps d’aller acheter une pile pour sa merveilleuse montre avant d’aller travailler. Il se disait qu’ainsi, à chaque fois qu’il voudrait regarder l’heure, il aurait une pensée pour sa chère et tendre qui attendait impatiemment son retour. Cette pensée lui réchauffa le cœur et ne le quitta pas de la matinée. Vers midi, les hurlements que poussait son estomac le rappelèrent à l’ordre et lui firent abandonner le dossier en cours pour une pause bien méritée. Il fourra alors sa main dans sa poche et en ressortit sa montre, dont les aiguilles lui indiquaient 12 heures 14. C’est à ce moment qu’il remarqua quelque chose d’étrange. Il était persuadé d’avoir réglé parfaitement sa montre le matin même, pourtant la date indiquée dans la petite encoche en bas à droite du cadran n’était plus la même. Il l’avait réglée au 22 octobre 2001, il en était sûr, et la date affichée était celle du 22 octobre 2005. Il décida de ne pas y prêter attention pour le moment et de la régler à nouveau une fois rentré chez lui.

Ce soir là, il rentra très fatigué et décida de se coucher sitôt arrivé, d’autant plus qu’Angela passait la nuit chez sa sœur Suzie pour garder les enfants de celle-ci. Malgré les discussions animées et les ébats de ses respectables voisins, Marc n’eut aucun mal à s’endormir. Il dormait encore profondément le lendemain matin quand le réveil sonna. Il n’avait d’habitude aucun mal à se lever dès les premières lueurs du jour, mais ce matin-là, il se sentait particulièrement fatigué, plus encore que la veille, et il lui semblait physiquement impossible de se lever. Après de maints efforts et une mémorable négociation avec ses membres, Marc parvint à s’extirper de son lit. Ce n’est qu’une fois arrivé devant le miroir de la salle de bains qu’il se rendit compte, consterné, que quelque chose avait changé.

Marc contempla son reflet dans le miroir, et resta pétrifié plusieurs secondes. Il ne reconnaissait pas l’image que celui-ci lui renvoyait. Ou plutôt il connaissait ce visage, mais ce n’était pas le sien. Il avait face à lui le portrait de son père, disparu un an plus tôt des suites d’une longue maladie. Pris de panique, Marc s’habilla en vitesse et sortit en courant de son immeuble, en direction de sa voiture. Voir des fantômes ne faisait pas partie de ses projets de la journée, et si l’esprit de son père était enfermé d’une manière ou d’une autre dans ce miroir, il ne remettrait plus jamais les pieds dans cette salle de bain. Il arriva moins de cinq minutes plus tard sur le parking de son travail, un record si l’on tient compte des bouchons aux heures de pointes, et s’enferma à clé dans son bureau, ne voulant voir personne et travailla d’arrache-pied de façon à sortir cette mésaventure de son esprit. De temps en temps il regardait sa montre à gousset, pensant à Angela qui allait rentrer plus tard dans la soirée à la maison. Comment pourrait-il lui expliquer ce qui s’était passé sans lui faire peur, alors que lui-même en avait des frissons qui lui parcouraient tout le corps dès qu’il y songeait ? Le croirait-elle fou ? L’était-il ? Il n’en était plus vraiment sûr… C’est alors qu’il remarqua à nouveau ce détail certes insignifiant, mais particulièrement étrange. Sa montre indiquait maintenant la date du 23 octobre 2032. Pris d’un doute abominable, il se précipita dans les toilettes pour regarder à nouveau son visage. Ce n’est plus son père qu’il reconnut, mais bel et bien son grand-père. Seulement, malgré ce qu’il avait pu penser auparavant, il ne s’agissait pas d’un esprit. En effet, seul le visage de son reflet était différent, mais les vêtements qu’il portait, les gestes qu’il faisait… Tout était identique. Devant le miroir, Marc passa ses mains sur son visage. Affolé, il sentit ses doigts glisser le long des rides qui s’étaient formées sur ses joues, arracha une poignée de ses cheveux devenus blancs et hurla juste avant de s’effondrer sur le carrelage ne pouvant croire ce qui lui arrivait.

Reprenant peu à peu ses esprits, il retourna dans son bureau aussi vite que ses jambes de quinquagénaire pouvaient le supporter, et observa abasourdi sa montre à gousset. Il était 14 heures 59. Pendant une minute, Marc suivit sans sourciller la trotteuse parcourir le cadran de bout en bout, pour que les aiguilles affichent finalement 15 heures. C’est sans surprise que Marc put voir la date changer une nouvelle fois au moment précis où la trotteuse passa sur le chiffre 12 de la montre simultanément avec l’aiguille des minutes. 23 octobre 2033. « C’est à cela que je ressemblerai ce jour-là », se dit-il. Comment le mécanisme défectueux d’une simple montre à gousset pouvait-il avoir un tel impact sur lui ? A sa connaissance, cela n’était jamais arrivé auparavant. Comment y remédier ? Etait-il en train de faire un terrible cauchemar ? Paniqué, ne trouvant aucune solution, Marc regarda au dos de la montre. On pouvait y lire le nom et les coordonnées du fabriquant et un autocollant signalant la date limite de garantie. « Si on en croit cette montre, se dit-il, la garantie est terminée depuis plus de trente ans ». Mais rien n’avait changé autour de lui, rien ni personne ne semblait être affecté par le maléfice de cette montre à part lui. Pris de court, Marc décida d’appeler le numéro du service après-vente afin de demander conseil au fabriquant, ce qui, il fallait bien l’admettre, était un geste désespéré et très probablement inutile. Qu’allait-il bien pouvoir lui conseiller ? Allait-il seulement le croire ?

De sa main tremblante qu’il reconnaissait à peine, il saisit le combiné et composa le numéro du fabriquant. Son interlocuteur, amusé, croyant à une farce d’adolescent, lui conseilla entre deux fous rires de remonter sa montre, auquel cas cela devrait le faire rajeunir. Puis il s’esclaffa une nouvelle fois avant d’ajouter « On ne me l’avait jamais faite celle-là, il faudra que je m’en souvienne ! » et raccrocha, hilare. Marc décida de rentrer chez lui et d’attendre le retour de sa compagne pour résoudre cette improbable situation. Démuni, il s’assit dans son canapé, la montre dans les mains. Mais Angela n’arrivait pas. Pire, elle ne répondait pas au téléphone. Il l’imaginait discutant depuis des heures avec sa sœur, pendant que lui vieillissait à vue d’œil. D’après la date inscrite sur la montre, Marc avait physiquement atteint depuis quelques minutes l’âge de 65 ans. Il se sentait de plus en plus fatigué, et il devenait urgent de tenter quelque chose. Le tout pour le tout. Après tout, à situation loufoque, solution loufoque. Se débarrasser simplement de la montre pourrait peut-être tout arranger. Mais peut-être pas. Alors que faire ? La casser ? Et si cela le tuait sur le coup… ? Retirer la pile ? Et si cela avait pour effet d’arrêter son cœur simultanément ? Finalement, il avait peut-être raison le fabriquant. Sans le savoir il pouvait avoir trouvé la solution… Marc décida de remonter petit à petit la montre, les aiguilles tournant à l’envers les années remonteraient, et il retrouverait certainement très vite son âge et son apparence normale… Il fit tourner petit à petit les aiguilles dans le sens inverse, et le miracle s’accomplit.

Marc n’en croyait pas ses yeux. La solution à son malheur était si simple ! Il continua à remonter les heures, se sentant revigoré, reprenant espoir, puis tout à coup, la montre s’emballa, les aiguilles remontant à toute vitesse, les années défilant en cadence, 2003, 2002, 2001, 2000, 1999… Impossible de les stopper ! Il finit par laisser échapper la montre qui tomba sur le sol et s’arrêta.

Lorsque Angela rentra chez elle ce soir là, elle découvrit dans son canapé un nourrisson de quelques mois à peine, enveloppé dans les vêtements de Marc. Elle ne comprit jamais d’où venait cet enfant, ni pourquoi Marc l’avait probablement déposé là avant de la quitter sans jamais donner de nouvelles. Tous les médecins qu’elle rencontra ne purent jamais lui expliquer pourquoi l’enfant semblait ne pas vieillir. Son compagnon avait semble-t-il disparu de la surface de la Terre et après des années passées à chercher toutes les explications possibles à son départ, la jeune femme finit par se faire une raison. Elle s’occupa de l’enfant de son mieux, pensant que lui au moins, ne serait jamais victime du temps qui passe. Elle ne put jamais se résoudre à se débarrasser des affaires de Marc, qu’elle rangea dans un placard du sellier sans oublier de déposer sa montre, dernier symbole de leur amour qu’il avait semble-t-il perdue lors de son départ, au fond de son tiroir à bijoux. Et chaque soir, Angela s’endormait aux côtés de son bambin qui serrait dans ses bras un magnifique lapin blanc en peluche.
Honore
Envoyé le :  25/8/2009 17:35
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39527
Re: Lapin blanc
pendant un moment tu m'as permis de retourner en enfance et a réussi à me faire croire en l'existence de ton fameux lapin blanc;
HONORE
Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster