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Expéditeur Conversation
benbouille
Envoyé le :  15/8/2009 12:29
Plume de satin
Inscrit le: 13/8/2009
De:
Envois: 24
Anonyme
Ce qui fait que les hommes sont humains, c’est leur capacité à vivre en communauté, à s’organiser ensemble tout en s’individualisant, à s’intéresser les uns aux autres, et à s’entraider. Dans ce cas, je n’ai rien d’humain. Je ne suis qu’une bête… Et encore, la plupart des animaux vivent en collectivité. Moi je suis seul. Je connais bien des gens, mais eux ne me connaissent pas. Pas de famille, pas d’amis, même pas une connaissance. Personne ne me remarque, et je dois dire que je n’essaye même plus d’attirer l’attention. Je n’ai pas ma place dans la société, et je n’existe pas non plus en tant qu’individu. Je ne suis rien. Je ne suis personne. Les seuls courriers que je reçois sont des rappels de factures à payer. Et là encore, si je téléphone pour m’expliquer, on me coupe la parole dès que je me présente en me demandant mon numéro de dossier, d’adhérent ou d’allocataire. Je prends le bus pour me rendre au travail, chaque matin le même chauffeur à qui je dis bonjour et qui ne me répond pas. Parlons-en de mon travail ! J’ai été recruté par email, et tout ce que j’ai à faire consiste à rentrer des chiffres dans des bases de données informatiques. J’ai un bureau identique aux deux cents autres bureaux de la société, où chacun a le regard fixé sur son écran et essaye de rentrer ses chiffres plus vite que les autres pour avoir une prime à la fin du mois. Personne ne se regarde, personne ne se parle.

Le soir, quand je rentre chez moi, dans mon petit appartement du cinquième, je croise parfois dans l’escalier quelques voisins, toujours pressés, que j’ai l’impression de déranger car je les oblige à modifier leur itinéraire. Ils ne me bousculent pas c’est déjà ça… Je m’enferme ensuite dans mon appartement et je m’installe à la fenêtre pour regarder passer les gens et me rassurer en me disant que ce ne sont que des passants parmi d’autres passants, comme moi, et je m’amuse à essayer de ne pas distinguer leurs visages, pour qu’ils aient tous l’air pareils. S’ils n’étaient pas là la rue serait bien vide, mais seuls, ils ne représentent rien. Comme moi. Ce sont des figurants et je suis l’acteur principal, si tant est qu’il soit possible de faire un film sur un homme qui regarde les passants par la fenêtre. Je suis seul, je le regrette, mais je n’en veux à personne. Si seulement les gens me connaissaient, alors ils sauraient que je suis quelqu’un d’intéressant, ou quelqu’un tout court, c’est déjà bien suffisant. Ce n’est pas de leur faute, ils ont leurs amis, leur famille. Pourquoi s’intéresser au trentenaire du cinquième qui regarde par la fenêtre et qui n’a à priori rien à leur apporter. Pour eux, je suis fade, une tache dans le décor. Et encore…Quand je pense à tous ces gens qui rêveraient d’être invisibles… Et bien je le suis, et c’est moins drôle que ça en a l’air.
Je suis un Super-Héros ! J’ai un pouvoir que tout le monde m’envie !! Je suis « l’Homme Invisible » !!!

Mais personne ne le sait puisque je suis transparent. Je n’ai pas trouvé ma place dans ce monde. J’ai le sentiment de ne pas avoir eu ma chance, et pourtant, quand je vois les conditions de vie de certains, je me dis que je n’ai pas à me plaindre. Après tout, je ne suis peut-être qu’un éternel insatisfait… Je n’en sais rien, personne n’est là pour me le dire. Je voudrais être célèbre, pourchassé par les paparazzi, qu’on étale ma vie privée dans des magazines, ça prouverait que j’en ai une. Qu’on me reconnaisse, au moins à l’épicerie, qu’on m’imite, qu’on m’interpelle. Accomplir de grandes choses pour gagner à être connu, ou bien même devenir un tyran despotique qui menacerait le monde entier, pourvu qu’on m’accorde une minute d’attention, et un peu de considération. Je me fiche qu’on m’aime, je veux juste qu’une poignée de personnes sache que je suis là. Je ne demande pas de médaille, pas d’applaudissements. Juste un regard, un sourire de temps en temps. Est-ce égoïste de ma part ?

Et puis il y a cette fille. Et oui, il y a toujours une fille, c’est bien connu. J’ai essayé de ne pas la remarquer, mais c’est impossible. Chaque soir, elle est parmi les passants que j’observe de ma fenêtre. J’ai bien tenté de flouter son visage, comme pour les autres, mais il m’apparaît chaque soir de plus en plus net. Je ne vois qu’elle, elle attire le regard, elle est comme la petite fille au manteau rouge dans « la liste de Schindler ». Elle essaye de me voler la vedette ! Même dans mon esprit, quand c’est moi qui écris le scénario, j’arrive à me remplacer par quelqu’un d’autre. C’est désespérant. Elle est brune, les cheveux aux épaules, des yeux verts magnifiques que j’ai tout de suite remarqués malgré les cinq étages qui nous séparent, un visage d’ange. Elle porte toujours un joli ensemble avec un chapeau assorti. Et j’ai vérifié, elle n’a pas de bague. Je sais, je suis aussi ridicule qu’un collégien imaginant une relation passionnée avec sa prof préférée, mais elle m’obsède. Je crois d’ailleurs qu’un soir, par hasard, nos regards se sont croisés. Depuis, je m’imagine qu’elle m’a regardé. Contrairement à ce que j’aurais pu penser, cela ne m’a pas fait chaud au cœur, je n’ai pas ressenti de bien-être à cet instant, car j’ai immédiatement pris conscience du fait qu’elle m’avait oublié l’instant d’après. Et ça, c’est pire que tout. J’ai de plus en plus de mal à le supporter.

Finalement, mes pensées me portent toujours vers la même conclusion… Je suis le fruit pourri qui contamine tout le panier. Si quiconque s’adresse à moi, il sera aussitôt banni de toute forme de vie sociale, voilà pourquoi on m’évite, je ne vois pas de meilleure explication. C’est pourquoi malgré mes réveils matinaux pleins d’espoir où je me dis « cette fois c’est la bonne, fais le ménage, quelqu’un vient pour l’apéro », je finis chaque soir dans mon canapé, face à moi-même, dépité. Je suis fatigué de chercher une échappatoire à l’issue forcée de mon existence. Pour faire bref, j’ai plus qu’à aller me pendre. Après tout, c’est comme ça qu’on se fait remarquer nous, les ratés, les insignifiants. L’hiver arrive, je me refroidis de plus en plus vite devant ma fenêtre, mais je la laisse quand même ouverte, pour ne pas perdre totalement contact avec la civilisation. J’entends des voix, des pas, des bruits de véhicules. J’aime le vacarme. C’est agréable. J’observe, j’espionne, j’essaye de tuer le temps avant que celui-ci ne reprenne le dessus et remporte la dernière manche. Ah si seulement quelqu’un m’avait traité de « pauvre mec » aujourd’hui, cela aurait embelli ma journée. Mais les gens ne perdent pas leur temps à m’insulter. Demain peut-être, mais certainement bien plus tard, quelqu’un finira par retrouver mon corps glacé, et préviendra les secours. Après enquête, on conclura à un suicide, le policier chargé de l’affaire ira même jusqu’à prétendre que rien ne le laissait présager, que mes proches n’avaient rien vu venir, que rien de spécial ne m’était arrivé ces derniers temps et que mon comportement ne laissait en rien présager cet ultime acte de désespoir. Mon propriétaire me maudira car personne ne voudra plus jamais louer l’appartement dans lequel un homme s’est donné la mort, à cause des mauvaises vibrations. Puis, après ce regain d’intérêt pour ma petite personne, on m’oubliera… encore une fois.

Le lendemain matin, le chauffeur de bus s’étonna de ne pas voir monter son plus fidèle client à l’arrêt habituel. Un collègue, inquiet de voir le bureau vide avertit la direction qui essaya à plusieurs reprises de téléphoner au domicile du seul employé parfaitement assidu à son poste depuis des années. Mais c’est une très jolie femme brune qui fit la macabre découverte. Chaque soir, elle faisait un détour en rentrant chez elle pour passer devant la fenêtre du sympathique homme du cinquième, comme elle l’appelait, lequel avait un jour croisé son regard, et qui depuis l’obnubilait jour et nuit. Ne l’apercevant pas à la fenêtre ce soir-là, elle avait décidé de prendre son courage à deux mains et avait sonné à sa porte pour l’inviter maladroitement à prendre un verre, et espérait ainsi pouvoir faire connaissance et lui avouer son étrange sentiment. Au lieu de cela, n’obtenant pas de réponse, elle avait poussé légèrement la porte entrouverte du mystérieux inconnu. Quelques minutes plus tard, la police et les pompiers étaient sur place, l’appartement du cinquième devenant l’attraction du quartier. Sur le trottoir, devant l’immeuble, un policier interrogeait une femme, le principal témoin de l’affaire, qui répondait tant bien que mal à ses questions, les larmes ne cessant de couler le long de son visage d’ange, ses yeux fixés sur la fenêtre encore ouverte sur le monde.
FXF
Envoyé le :  16/8/2009 4:04
Plume de satin
Inscrit le: 8/2/2007
De:
Envois: 31
Re: Anonyme
Le début de ce texte me rappelle un petit truc que j'avais écrit il y a bien longtemps :


Vie en société ?
Vie en colonie !
Seuls mais tous ensembles.
les uns avec les autres ?
jamais
les uns à coté des autres

Seuls mais tous ensembles.
anonyme
Envoyé le :  22/8/2009 15:39
Re: Anonyme
je trouve tes textes supers ...je me régale à les lire ..ils interpellent c sur ..ils dérangent ...c peut être le pourquoi du silence des fameux commentateurs ...
tu Ă©cris bien , c simple et direct et tu fais passer l'ambiance ...
bravo Ă  toi et merci...
Honore
Envoyé le :  22/8/2009 17:01
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39527
Re: Anonyme
Très belle description de la solitude , de ses angoisses et de ses mystères , avec en plus cette touche d'humour macabre qui démontre que l'on passe sans le savoir à côté du bonheur.
HONORE
benbouille
Envoyé le :  23/8/2009 14:31
Plume de satin
Inscrit le: 13/8/2009
De:
Envois: 24
Re: Anonyme
Merci beaucoup pour ce très agréable commentaire
benbouille
Envoyé le :  23/8/2009 14:40
Plume de satin
Inscrit le: 13/8/2009
De:
Envois: 24
Re: Anonyme
*Pour CES très agréables commentaires, je voulais dire
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